
Les Vendredis de la philosophie, 2002/2009
‘Here, philosophy is an activity engaged in practical and theoretical situations: it questions the sciences, the arts, and politics, grappling with globality. Resolutely contemporary and international, the program revisits the works and concepts of philosophical history each week from new perspectives. It welcomes untimely thinkers who shift today's questions and provoke critical debate.’Sound by Pierrette Perrono, production assistant Marianne Chassort
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Macadam-philo, 2009/2010
In Macadam Philo, philosophers analyzed current cultural, political, and scientific events. They made a voice other than that of the experts heard. They used their tools, concepts, and figures to decipher dominant discourses and artificial oppositions. At once archaic and contemporary, they showed how the current can be outdated. Resolutely outside the box, they redrew the boundaries of our acquired truths. Macadam Philo, in 32 episodes, brought the philosophers into the street, which once again became a critical space beneath their feet, just as the public square or the back roads had been: they astonished, suspected, ironized, railed, displaced, and disturbed... in the full range of a philosophy in action.Par François Noudelamnn Réalisation: Pierrette Perrono Enregistrée le 13 janvier 2007 au MK2 café à Paris La question "Qu'est-ce que la philosophie?" s'est posée depuis la naissance de la philosophie en Grèce antique. Une question critique, nietzschéenne, est venue s'y substituer pour demander "qui" fait de la philosophie. La situation contemporaine nous engage à poser la question "pour qui?", car la diffusion de la philosophie s'est considérablement diversifiée et peut-être diluée dans ses adresses. "A qui s'adresse la philosophie?" est une interrogation qui permet de définir ce qu'est la philosophie, même si les philosophes conservent souvent l'idéal d'un destinataire universel. Mais cette universalité masque les conditions historiques et sociales de l'exercice philosophique et de sa transmission. L'enseigner à des élèves hostiles ou à des étudiants de moins en moins nombreux, la populariser au maximum quitte à la perdre, la pratiquer dans les luttes sociales : toutes ces adresses ou ces maladresses engagent la destination de la philosophie. La question est posée à des philosophes qui, dans leur réflexion et leur pratique, s'intéressent aux destinataires de la philosophie : Sylviane Agacinski, Carole Diamant, Yves Michaud, Jean-Luc Nancy
Par François Noudelmann Réalisation: Gilles Mardirossian Depuis 1945, les philosophes ont régulièrement consacré une part de leur réflexion à la littérature. Ils n'ont pas cherché à parachever leur système par une esthétique à la manière de Kant, ils ont plutôt interrogé la relation des écrivains à leur époque, le fonctionnement des matériaux textuels, la puissance de signification propre aux oeuvres. Sartre initia la question "Qu'est-ce que la littérature?"et engagea un débat avec les marxistes comme Lukacs sur l'universel singulier de la production littéraire. La radicalisation théorique plaça progressivement la littérature au coeur des réflexions philosophiques, en proximité avec la théorie littéraire, de sorte que Deleuze, Derrida ou plus récemment Jacques Rancière et Alain Badiou ont consacré des études à des écrivains ou à la chose littéraire. Pierre Macherey s'est inscrit dans ce débat avec un texte manifeste, Pour une théorie de la production littéraire, publié à 1970. Il a poursuivi sa réflexion par des exercices de lecture, regroupés dans A quoi pense la littérature?, en1990. Qu'entend-il encore aujourd'hui par philosophie littéraire, alors que le mélange des genres est souvent dénoncé? Comment lit-il les textes et quels sont ses objets de prédilection? Emission spéciale, enregistrée le 22 novembre à Lille pour le 10e anniversaire de Citéphilo.
Par François Noudelmann Réalisation: Françoise Camar Depuis que Freud a écrit L'interprétation des rêves, nous savons que notre sommeil est peuplé de rébus. Les rêves recomposent les désirs inconscients selon des scénographies complexes et réglées. Ils sont donc une source primordiale pour comprendre le psychisme des individus mais aussi les représentations d'une communauté historique. Collecter les rêves en temps de guerre permet de découvrir comment sont vécus les traumatismes : le travail onirique exprime, représente, traite et transmet la mémoire des traumas. Les psychanalystes qui recueillent et déchiffrent les rêves de leurs patients se trouvent donc au coeur de l'histoire collective. Mais le désir d'interprétation ne réduit-il pas les rêves à des récits symboliques au détriment de leur puissance imaginaire?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Jean-François Lyotard a introduit en philosophie le terme de postmoderne qui a connu un immense retentissement. Ce succès ne va pas sans malentendus car le postmoderne désignait pour lui autre chose qu'une nouvelle époque. Il a en tout cas durablement marqué l'adieu aux grands récits de la modernité au point qu'aujourd'hui encore on utilise le préfixe post- dès qu'on cherche à identifier un nouveau courant. Lyotard a aussi modifié l'exercice de la philosophie et il a incarné ce qu'on a appelé outre-Atlantique la French theory. Pourtant on retient plus volontiers les autres représentants de ce mouvement : Deleuze, Foucault, Derrida, Kristeva... Pourquoi Lyotard est-il occulté? Que peut-on retenir de cette pensée originale qui a traversé aussi bien l'éthique, la politique, l'esthétique, que la psychanalyse et la philosophie du langage? Bibliographie complémentaire: - Jean-François Lyotard, Que peindre?, Hermann, postface de Gérald Sfez - Les Cahiers philosophiques, Derrida Lyotard et l'éthique, dir Michèle Cohen-Halimi et Gérald Sfez - Les Transformateurs Lyotard, dir Corinne Enaudeau, Jean-François Nordmann, Jean-Michel Salanskis, Frédéric Worms, Sens et Tonka - Revue Europe : "Signé Lyotard" coordonné par Aliocha Wald-Lasowski et Robert Harvey
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Les publications posthumes de Michel Foucault et les essais récents qui lui sont consacrés montrent qu'il est un penseur plus complexe que ne le dit son succès. Ces textes brisent les images simplistes venant aussi bien de ses détracteurs qui voient en lui le fossoyeur de l'humanisme que de ses zélateurs qui le réduisent à la défense des marginaux ou qui s'approprient ses analyses sur le biopolitique. Foucault discuta régulièrement de la question de l'homme et du sujet, comme en témoignent ses premiers travaux universitaires et ses ultimes séminaires au Collège de France. De même ce nietzschéen, plutôt sceptique, n'abandonna jamais la notion de vérité derrière celle de discours. Philosophiquement et politiquement, Foucault demeure irréductible à une école, à un courant, rétif à la normalisation qu'il n'a cessé d'étudier dans les savoirs et les pratiques.
Par François Noudelmann Réalisation:Pierrette Perrono Peut-on expliquer l'antisémitisme? La haine de l'étranger va-t-elle de pair avec celle de la démocratie? Le besoin névrotique de l'autorité conduit-il à l'autoritarisme? Bref, comment devient-on facho? Telles sont les questions que se pose Adorno pendant les années 1940. Il s'intéresse moins à l'idéologie fasciste qu'à la personnalité autoritaire. Le philosophe, exilé aux Etats-Unis, observe en effet le syndrome par lequel un sujet manifeste socialement ses pulsions destructrices, sa peur de l'étranger, son repli sécuritaire dans les préjugés. La psychanalyse apporte des réponses sur les ressorts paranoïaques d'une telle pathologie, mais Adorno développe plutôt une analyse sociologique afin d'identifier parmi les populations des comportements et des types autoritaires qui se construisent au travers des représentations morales, politiques et religieuses. Le constat est inquiétant car il montre la faible résistance des individus à la tentation fasciste. Toutefois il donne aussi à comprendre, de manière très actuelle, comment le pire s'installe insidieusement dans les esprits.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Le philosophe allemand Theodor Adorno reste surtout connu comme le maître de l'école de Francfort et de la théorie critique. Dans les années 1950 et 1960, cette mouvance intellectuelle, avec d'autres philosophes comme Horkheimer et Marcuse, mena une critique sociale de la culture. Mais Adorno fut aussi un musicien et un musicologue d'exception. A l'écoute des avant-gardes de son temps, il étudia Berg et Schönberg et il évalua très tôt les enjeux de la nouvelle musique. La philosophie et la musicologie, grâce à lui, se trament ensemble au coeur des concepts, des affects et des percepts. "J'ai étudié la philosophie et la musique, déclare-t-il en 1960. Plutôt que choisir entre les deux, j'eus toute ma vie durant le sentiment d'être, dans ces deux domaines divergents, à la recherche d'une chose identique." Avec Adorno la musique donne un autre timbre à l'exercice philosophique.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Dans l'histoire de la philosophie, le discours inspiré sur la tragédie grecque est un genre consacré. Hegel, Nietzsche et Freud, ont été fascinés par les vérités métaphysiques mises en scène par Eschyle, Sophocle et Euripide. Au XXe siècle c'est la teneur politique qui a été largement valorisée, comme si la scène grecque représentait des problèmes démocratiques dont la leçon vaudrait pour notre époque. Et si tous ces beaux discours ne reposaient sur aucune réalité historique? S'ils ne provenaient que d'un commentaire ressassé de la Poétique d'Aristote? Une anthropologie plus rigoureuse montre en effet que la tragédie grecque recouvre des pratiques bien différentes. Plus grave encore, cette vision de l'Antiquité a peut-être privé le théâtre occidental d'autres ressources spectaculaires.
Par François Noudelmann Réalisation: Françoise Camar Lors de son succès à l'agrégation en même temps que Jean-Paul Sartre, on dit alors que c'était elle, Simone de Beauvoir, la plus philosophe. Mais l'histoire fameuse de leur couple a parfois masqué son apport théorique et son propre rôle dans la conception de l'existentialisme. De même la puissance philosophique du Deuxième sexe, ce livre qui a tant compté dans l'histoire du féminisme, a souvent été voilée par l'analyse sociologique. La pensée de Beauvoir implique pourtant une ontologie du sujet et une politique de la liberté qui ont marqué l'histoire de la philosophie. Le renouvellement actuel de la réflexion sur le genre et sur les modes de subjectivation sexuels témoigne de son importance au moment du centenaire de sa naissance.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La République française ne reconnaît pas la différence des couleurs, au nom de l'égalité des droits de tous les citoyens. Mais cet universalisme masque la distribution inégale des places selon la couleur : les Noirs présents dans le sport sont absents des postes de responsabilité et de la représentation nationale. Et s'ils revendiquent une visibilité, l'idéologie républicaine agite immédiatement l'épouvantail du communautarisme. La reconnaissance de la Traite comme un crime contre l'humanité, par la loi dite Taubira, a introduit la question noire dans le débat politique en soulignant un déni national. Mais au fait, c'est de quelle couleur un Noir? Telle est la question que posait Jean Genet dans sa pièce Les Nègres. Question redoutable, posée aussi bien aux racistes qu'aux Noirs eux-mêmes sur leur identification à une couleur. Le penseur noir américain Du Bois observait déjà cette variété des peaux noires qui vont du "crème pâle au brun le plus sombre" et qui brise l'évidence du phénotype. L'émancipation passe-t-elle par la revendication de la couleur ou par sa dilution dans le nuancier infini de l'humanité?
Par François Noudelmann
Par François Noudelmann Réalisation: Dominique Costa Mathieu Potte-Bonneville traitera de l'enfance irrégulière" - en liaison à la fois avec la sortie du film de Spike Jonze, W"here the wild things are", et du dossier du dernier numéro en date de Vacarme Anne Sauvagnargues s'interrogera sur la notion de cadeau et les sens du don.
Par François Noudelmann Réalisation: Marie-Christine Clauzet Michel Deguy s'interrogera sur le rôle de l'UNESCO (en réaction à l'élection de sa nouvelle secrétaire générale). Jean Birnbaum lui se posera cette question: la mort d'Irving Kristol fondateur du néoconservatisme américain en sonne-t-elle la fin ?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Le succès des discours victimaires se manifeste aujourd'hui dans de nombreux secteurs de la société : l'institution judiciaire leur a donné plus de place et tend à indexer les peines sur le degré souffrance des victimes; les analyses sociologiques analysent toujours davantage les violences symboliques subies par les populations défavorisées; politiquement le droit à la reconnaissance des communautés se fonde sur les traumatismes collectifs et refoulés... A quoi tient cette description devenue obsessionnelle des traumatismes? Sans doute un désir légitime de vérité anime de telles enquêtes et de telles remémorations. Mais les douleurs mises au jour ne relèvent-elles pas aussi de constructions mentales autant que du dévoilement de faits cachés? L'évidence du mal subi et de ses conséquences ne masque-t-elle pas des projections et des analogies retorses, d'autant plus fortes que l'identité des individus semble de plus en plus associée au passé des souffrances?
Par François Noudelmann Réalisation:Pierre Perrono Les débats sur la religion se réduisent souvent à des antithèses convenues : la raison ou la foi, la croyance ou l'athéisme, les cultes ou la laïcité. Les tensions provoquées par des expressions dites religieuses en pays laïc rencontrent habituellement deux types de réponse : soit une réaction hostile contre la soumission des individus à des dogmes ou à des fables obscurantistes; soit une tolérance relativiste qui admet toutes les religions comme autant d'usages privés sans conséquence. Mais ces deux approches témoignent d'une même ignorance à l'égard de la spiritualité, de l'expérience mystique, du don et de l'abandon que peuvent éprouver aussi bien les croyants que les incroyants. Pour le comprendre, il faut sans doute oublier les religions et interroger les noms de l'absolu, de l'unité, de l'infini. Il faut aussi admettre plusieurs rationalités qui permettent d'échapper à l'alternative du dogmatisme et du nihilisme.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin L'idée d'un homme-machine est ancienne et répond à deux philosophies distinctes de l'âme et du corps. Du côté des métaphysiciens, elle permet de concevoir le corps comme un instrument, une mécanique à perfectionner pour qu'elle obéisse aux volontés. Du côté des matérialistes, tout l'être humain, sa pensée autant que son corps, suit une logique mécaniste. Depuis quelques décennies ce type de réflexion a pris un tour nouveau avec les progrès des connaissances et des techniques. Les nanotechnologies, les biotechnologies, l'informatique et les sciences cognitives ouvrent un formidable domaine pour la pratique et la réflexion. L'homme-machine pensé par La Mettrie au XVIIIe siècle ressemble à un jouet en comparaison des potentialités techniques d'aujourd'hui. Du coup les philosophes, s'ils ne veulent pas se réduire à des moralistes effrayés devant le pouvoir de la science, doivent assumer ces révolutions intellectuelles. Les technologies du XXIe siècle remettent en cause les frontières entre humain et non-humain, elles périment la notion de nature, elles peuvent émanciper les sujets mais aussi les asservir. Le cyborg, à la fois machine et organisme, est sorti de la science-fiction, il est à la fois une réalité et une créature philosophique.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin On croyait les parutions de Derrida terminées tant ce philosophe prolifique a écrit et publié sans relâche. C'était sans compter sur les séminaires qu'il a tenus avec un soin méticuleux et dont les éditions Galilée ont entrepris la publication complète. Ces textes pour l'enseignement donnent-ils à entendre un sens différent des autres livres? Comment la voix de Derrida s'y retrouve-t-elle? Le premier tome, La Bête et le Souverain, correspond au dernier séminaire de Derrida, mais sa manière est très éloignée de toute conclusion. Le philosophe y poursuit la déconstruction de la souveraineté tout en interrogeant la soumission de l'animal, une réflexion et une inquiétude très politiques.
Par François Noudelmann
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Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La philosophie n'est pas le domaine réservé des professionnels de la philosophie. Elle peut venir de la réflexion d'un physicien, d'un peintre ou d'un poète. Nietzsche qui relisait l'histoire de la philosophie contre le platonisme dominant la faisait commencer avec le chant tragique. Cette source poétique a été refoulée par la langue de l'abstraction et de l'universalisme. Le poète et philosophe Edouard Glissant nous la rappelle aujourd'hui, non pour déplorer une origine perdue mais avec l'intention de déchiffrer le temps contemporain : car la mondialité n'est pas le Nouveau monde de la connaissance et de la conquête, au contraire, elle est imprévisible, opaque et tremblante. La philosophie se doit d'en assumer les vérités changeantes et multiples, quitte à sacrifier son obsession de l'unité. Edouard Glissant a forgé quantité de notions et de schèmes qui bouleversent nos conceptions des identités, des espaces et de la politique. Sa philosophie de la relation est une pensée du lieu et du devenir, étonnamment clairvoyante sur les transformations présentes, elle est aussi une invitation à changer la mesure du monde.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin En France, la notion de discrimination positive, traduction abusive de l'affirmative action, est prisonnière des débats entre idéologues. Elle est souvent assimilée à une pratique de quotas à laquelle s'oppose l'affirmation du modèle républicain, devenu quasiment une référence nationale. Une approche plus philosophique permet de repenser les présupposés d'une politique préférentielle. L'action affirmative doit être en effet resituée dans une longue réflexion sur l'égalité et la justice. Depuis Aristote jusqu'à Rawls, en passant par les philosophes classiques, les questions de redistribution et de compensation, d'égalisation ou d'équité, n'ont cessé d'être discutées. La possibilité d'une pratique différentielle suppose donc préalablement de s'entendre sur la définition des sujets de droit et sur le rôle de la politique face aux inégalités sociales.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Le corps semble insaisissable à mesure qu'on l'étudie. Sujet de magazines ou de dictionnaires, objet de réflexion pour la philosophie et la sociologie, prétexte à polémique pour l'éthique et la religion, il est autant une réalité physique qu'une réserve de métaphores. Le corps contenu par le dualisme métaphysique a brisé ses limites. Ce n'est plus l'âme qui est enfermée dans un corps, mais le corps qui s'est libéré de sa prison conceptuelle. Il est partout, il n'y a que du corps, global ou fragmenté, le corps des communautés ou le corps neurobiologique, les corps plastiques disponibles aux recompositions fantasmatiques ou aux clichés esthétiques. Comment lui redonner une unité qui ne soit pas celle de l'objectivité scientifique ou idéologique? La phénoménologie peut-elle encore affirmer un moi-chair qui permettrait à chacun de connaître ses limites et celles des autres? Mais la chair est à la fois ce que je suis et ce que je ne maîtrise pas. A défaut de le définir, il vaut peut-être mieux en observer les surfaces et les affections. La peau n'est pas seulement une enveloppe, mais un espace sensoriel où s'écrivent l'intérieur et l'extérieur, un cuir réversible mieux que tout vêtement.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono En philosophie, la réflexion sur le beau a pris son autonomie au XVIIIe siècle pour devenir une discipline : l'esthétique. Elle a suivi diverses voies théoriques, de la science de l'art à la critique du jugement. Mais les artistes ont de plus en plus décidé eux-mêmes des critères du beau, notamment avec les avant-gardes qui se sont affranchies des académies en s'appropriant la conceptualisation de leurs oeuvres. L'esthétique, comme discours surplombant, s'est trouvée marginalisée, voire contestée ces dernières années. Cependant il existe une autre esthétique, pratiquée par des poètes, écrivains et philosophes déchiffreurs d'énigmes. Lucrèce, Montaigne, Baudelaire ou Breton ont su déceler des beautés inédites dans les métamorphoses humaines et les modernités chaotiques. Edouard Glissant fait partie de cette constellation de poètes penseurs. Il annonce une "nouvelle région du monde" dans son récent livre fondateur d'une esthétique non prédictive et qui renoue l'échange avec les artistes.
Par François Noudelmann Réalisation: Marie-Christine Clauzet -Florence Burgat parlera de l'expérimentation animale (à propos de la polémique lancée par la revue Nature sur le projet Reach du Parlement européen qui conduirait à sacrifier 4 millions d'animaux supplémentaires pour mesurer la toxicité des biens de consommation) -Marie-José Mondzain s'interrogera sur le thème : qu'est devenue la notion de résistance? (à propos de la sortie du film de Gilles Perret, Walter, Retour en Résistance et de la série télévisée Un Village français sur France 3)
Par François Noudelmann
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Par François Noudelmann Par: Dominique Costa On croyait le temps des provocations artistiques révolu avec la fin des avant-gardes. Mais depuis une décennie des artistes choquent le public en jouant sur le pathos, la scatologie et la mort. Massacre d'animaux, projection d'excréments, scènes de cannibalisme s'imposent dans les installations ou les vidéos des musées. Notre époque voit aussi le retour d'un moralisme, voire d'un puritanisme, qui réclame la censure de plusieurs expositions au nom de la dignité humaine. La récente annulation à Paris de l'exposition de cadavres plastifiés ou la mise en examen de commissaires ayant exposé des images d'enfants témoignent d'une telle crispation. Cette opposition entre provocateurs et moralisateurs n'est toutefois pas si claire. Paradoxalement la volonté de scandale est parfois sous-tendue par un message moral. Le discours de l'extrême offense et celui du conservatisme normalisateur ont peut-être une même conception de l'art et de sa fonction morale.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin L'universalisme fut un principe généreusement promu par les philosophes des Lumières. Mais il a difficilement résisté aux critiques de Marx puis de Claude Levi-Strauss : défendu par les seuls Européens, il a été dénoncé comme le masque des intérêts particuliers, ceux d'une classe ou ceux d'une ethnie qui prétend exporter ses valeurs au nom du Bien. L'universalisme ne peut sans doute plus reposer sur l'affirmation a priori d'un modèle humain. Il s'invente, il se négocie entre des cultures proches ou incompatibles, au risque de se réduire à un simple dénominateur commun. Pourtant le souci de l'universel demeure, ne serait-ce que dans l'indignation des consciences devant une injustice insupportable, lorsqu'on attente à l'intégrité d'un autre humain, quel qu'il soit.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Pour la première fois dans l'histoire de la République française, une femme a été en position de devenir présidente, et deux analyses se sont concurrencées : d'une part l'accession d'une femme à la magistrature suprême serait le signe d'une égalité des sexes devant le pouvoir. Mais d'autre part la manière de gouverner serait différente si le pouvoir était incarné par une femme. Entre égalité ontologique et différence naturelle, cette alternative a réactivé un débat de fond du féminisme depuis la parution du Deuxième sexe. Et pourtant une telle opposition semble dépassée par le savoir des neurosciences ou par la critique de la notion de genre. Quelle peut être aujourd'hui une politique des sexes qui permette aux femmes de ne pas sacrifier leur singularité? Comment s'inventent des modes de subjectivation qui résistent à la programmation des rôles féminins?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono et Clotilde Pivin Auteur d'une vingtaine de livres qui relèvent autant d'un vaste projet philosophique que de la critique sociale, André Gorz est né à Vienne à 1923. Emigré en Suisse en 1939, il s'est ensuite installé en France où il a été l'un des fondateurs du Nouvel Observateur et l'un des concepteurs les plus actifs des Temps Modernes. Sartre, qui reconnut en lui un philosophe donnant à ses idées une issue novatrice, a consacré une importante préface à son récit, Le Traître. Se tenant dans une extrême réserve à l'égard de toute publicité et de toute identification, André Gorz a usé de plusieurs pseudonymes pour écrire. Cependant sa pensée continue d'influencer de nombreux milieux intellectuels, politiques et syndicaux en Europe. Ses propositions sur le travail ont notamment devancé la réflexion sociopolitique des années 90. Il accorde un long entretien à François Noudelmann dont "Philosophie en situations" propose un extrait, et revient sur son parcours philosophique, depuis les Fondements pour une morale écrits juste après-guerre jusqu'à L'Immatériel paru en 2003. (1ère diffusion le 14 octobre 2005)
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Les évocations de la souffrance ne cessent d'investir nos sociétés et nourrissent aussi bien les catégories psychiatriques que le débat juridique sur les victimes. La notion de traumatisme justifie ainsi de nouveaux usages dans la gestion des malheurs, qu'il s'agisse des accidents collectifs ou des oppressions politiques. Mais la douleur psychologique ou le sentiment d'humiliation sont-ils universels au point de devenir des vecteurs d'identification? La mémoire des traumatismes peut faire l'objet d'une instrumentalisation qui masque la complexité des expériences et des histoires au profit de l'émotion. Plus grave encore, la surenchère compassionnelle ne discrimine-t-elle pas de bonnes et de mauvaises victimes? L'analyse du traumatisme comme construction sociale est un enjeu philosophique et éthique : elle permet d'évaluer le seuil d'indignation à partir duquel se trace la frontière entre l'humain et l'inhumain. Elle dessine l'économie morale des sociétés et la fabrication d'une image de soi dans la représentation collective des sentiments.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin L'esprit de dissidence peut sembler loin depuis que le mur de Berlin est tombé, cependant l'on découvre toujours davantage les penseurs que le totalitarisme a voulu écraser. Parmi eux Jan Patocka fut un philosophe engagé qui affirma au prix de sa vie une parole démocratique dans la Tchécoslovaquie communiste. Ses oeuvres sont aujourd'hui mieux connues et suscitent de nombreuses études tant philosophiques que politiques. Jan Patocka s'est inscrit dans la phénoménologie husserlienne et a donné un sens original à la liberté en cherchant à lier le sujet humain à la corporéité du monde. Son souci de penser l'homme dans l'histoire l'a aussi conduit à interroger l'avenir du monde après les grands périls du siècle. A l'occasion du centenaire de sa naissance sont traduites ses réflexions sur l'Europe qui rencontrent une évidente actualité : Patocka s'y demande déjà ce qu'est l'héritage européen et sa définition à l'ère planétaire.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono
Par François Noudelmann Réalisation: Françoise Camar A propos de la philosophie de Kant, il semble qu'on ait déjà tout dit et que le lecteur d'aujourd'hui soit condamné à l'exégèse. Mais il existe plusieurs façons de contourner l'ordre imposant de la Critique kantienne. On peut relire les textes sur l'histoire, la paix et le droit et y découvrir une pensée moins systématique. On peut choisir aussi une clef pour relire toute l'oeuvre à partir d'une notion phare comme le sublime. Ou encore, on peut dépasser le kantisme pour suivre les avatars de Kant à la lumière des grands débats contemporains. Assurément la construction européenne ou les contradictions entre citoyenneté et globalisation nous amènent à relire les analyses kantiennes du cosmopolitisme. Notre époque préfère cependant le pluralisme à l'universalisme, tant pour reconnaître la diversité culturelle que pour établir une justice internationale. Plus qu'un retour à Kant en bonne et due forme, il faut sans doute ouvrir cette oeuvre à de nouvelles interrogations esthétiques et politiques.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Le souci de l'environnement est devenu familier en France, signe d'une prise de conscience des dangers que fait courir la société industrielle à la terre. Mais cette préoccupation écologique ne semble pas avoir modifié les habitudes mentales qui placent toujours l'humain au centre de l'univers. Pourtant une réflexion philosophique existe depuis longtemps pour penser la participation commune de tous les êtres vivants et leur solidarité. L'inventeur de l'écologie profonde, le philosophe norvégien Arne Næss, est enfin traduit en français alors qu'il vient de mourir. Souvent caricaturée, cette pensée complexe fonde une éthique et une politique. Elle est aussi l'occasion de découvrir la grande diversité de l'écophilosophie, en Europe et aux Etats-Unis.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La découverte de l'inconscient a permis l'invention d'une pratique et d'une théorie, la psychanalyse qui, comme toute science, a forgé ses outils de compréhension et d'interprétation. Les écrits de Freud montrent que la formalisation ne s'est pas résumée à une transcription du psychisme en concepts. Le travail théorique s'est exercé dans un laboratoire qui tient du capharnaüm, où se mêlent des matériaux très divers : non seulement les névroses liées à la sexualité mais aussi les croyances occultes, le théâtre antique, la peinture moderne... toutes choses qui occupaient les esprits viennois au début du XXe siècle. "Lire" la psychanalyse conduit donc à comprendre le rôle de l'écriture et de l'imaginaire dans la formation des modèles théoriques. Fidèles ou non à Freud, comment écrivent les psychanalystes aujourd'hui? Se préoccupent-ils davantage de science ou de littérature lorsqu'ils rapportent les paroles de leurs patients?
Par François Noudelmann Réalisation: Malika Mezgash Depuis son livre sur les Héritiers, écrit en 1964 avec Jean-Claude Passeron, Bourdieu n'a cessé de prendre l'idéologie républicaine à revers,en montrant comment ses valeurs (l'égalité, le mérite, la compétence) participaient à la transmission des inégalités sociales. Pour asseoir cette critique, il a forgé un ensemble d'outils conceptuels permettant l'analyse de la reproduction scolaire et de la distinction des goûts. Philosophe de formation, Bourdieu a choisi la sociologie mais a poursuivi, en arrière-plan une critique de la philosophie, de ses usages et de ses modes de reconnaissance. Stigmatisant l'influence de Heidegger dans le sillage des khâgnes françaises, dénonçant la fausse scientificité dont se parent les philosophes contemporains, Bourdieu a suggéré une philosophie négative, inspirée aussi bien de Pascal que des penseurs analytiques. Mais cette adresse aux philosophes est restée lettre morte. Bourdieu a plutôt été diabolisé, résumé à une théorie déterministe de la domination. Par ses interventions politiques, il a été souvent associé à Sartre, dont il contestait pourtant le modèle intellectuel. Il a en tout cas suscité autant de haines. Cependant, même contesté ou caricaturé, Bourdieu demeure encore aujourd'hui un enjeu pour la pensée et l'analyse sociale.
Par François Noudelmann Réalisation:Daniel Finot Montaigne, encore : il ne fait pas l'actualité, pourtant il reste toujours d'actualité. Personne ne songerait à le prendre pour étendard, et il n'existe de pas de montaignisme comme il y a un spinozisme ou un kantisme. Cependant on revient régulièrement vers Montaigne, irréductible à tout dogme et à toute école. Ses Essais contiennent de multiples leçons de vie, sans que leur auteur nous fasse la leçon. Ses idées ne prétendent pas à l'éternité des concepts mais leur déroulement fantasque nous met au coeur de la pensée, de son devenir, de sa perméabilité aux changements. Le moi qui pense est en effet sujet aux transformations de l'histoire, aux humeurs du corps, aux rencontres imprévues. Trois livres viennent de paraître sur Montaigne et le mettent en prise avec la philosophie contemporaine : ils dévoilent une pensée de la forme, une réflexion sur les genres sexuels, et une éthique de la générosité.
Par François Noudelmann réalisation: Pierrette Perrono L'écriture des Essais de Montaigne constitua une rupture de la tradition philosophique. Ecrire en langue vulgaire, le français au lieu du latin, assumer l'apparent désordre de la pensée, revendiquer le changement des idées au gré du temps qui passe: de tels usages correspondaient au sens étymologique de l'essai : la pesée, l'épreuve, l'expérience. Loin de tout dogmatisme, l'écriture y assumait joyeusement les tours et les figures habituellement réservés à la littérature. Aujourd'hui l'essai ne relève plus du risque mais semble une forme très lâche regroupant aussi bien les considérations politiques de candidats aux élections que des proses indéterminées mêlant l'intime et le général. L'essai est-il un genre, un style, une forme de pensée? Quels ont été ses moments glorieux et ses lieux d'élection? Derrière cette notion fourre-tout se jouent une histoire des relations entre littérature et philosophie, et une approche de la pensée par sa temporalité.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono
Par François Noudelmann Réalisation:Gilles Davidas Lorsqu'on évoque les philosophies de la nature, il est surtout question d'une nature abstraite, la création terrestre, le donné premier, l'état antérieur à la culture. Rarement les choses de la nature ont droit de cité; les feuilles et les fleurs, les herbes folles restent méprisées au profit des arborescences conceptuelles. Le jardin des philosophes est presque toujours allégorique. Ce n'est pourtant pas le cas de certains penseurs qui, de Rousseau à Michel Serres, se sont intéressés à la nature de manière à la fois scientifique, épistémologique, morale et politique. La botanique a fourni des modèles de réflexions, par ses anatomies singulières et ses classifications complexes. Plus généralement, la relation de l'humain au végétal est révélatrice de notre façon d'habiter le monde. C'est en souillant un territoire que l'homme s'en fait le propriétaire, observe Michel Serres qui tente d'imaginer une alternative où l'homme libre serait un locataire de la nature.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin L'inspiration est une notion à la fois glorifiée et discréditée. Plutôt réservée aux poètes ou aux mystiques, elle semble suspecte aux yeux des philosophes qui se méfient d'une source aussi mystérieuse. Le travail de la raison doit suffire à démêler la vérité sans besoin d'une muse. Pourtant nombre de penseurs ont connu des inspirations intenses qui ont déterminé le cours de leurs idées. Ce souffle qui les a traversés rappelle la pensée à sa corporalité, à son énergie et à ses rythmes. L'inspiration n'est pas nécessairement liée à une transcendance, elle insuffle une allure au raisonnement dont la maîtrise échappe à tout auteur. Elle désigne l'illumination subite mais aussi la promenade infinie, la gambade joyeuse et productive. L'inspiration ne se décide pas, cependant elle se tient au coeur de l'exercice philosophique.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Les crises ou les malaises de la démocratie ne cessent d'alimenter le débat contemporain et les experts en gouvernement traquent son histoire avec ses failles et ses dérives. Mais elle ne se réduit pas à un type d'organisation politique. "La démocratie est esprit avant d'être forme, institution, régime politique et social", écrit Jean-Luc Nancy dans Vérité de la démocratie (Galilée 2008). Du coup elle échappe à l'identification et elle interroge plus fondamentalement l'être en commun, cette exposition de chacun aux autres, dont la politique ne donne pas la raison totale. En 2005, Jacques Rancière prenait lui aussi à revers les discours alarmistes sur le déclin de la démocratie et sur sa perversion individualiste ou égalitariste. Dans La Haine de la démocratie (La Fabrique 2005), il défendait la puissance subversive de l'idée démocratique, irréductible à ses formes institutionnelles.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin L'oisiveté est longtemps restée une valeur aristocratique issue de l'Antiquité. Avec la société du travail elle s'est transformée en contre-valeur : par opposition à l'idéologie de l'efficacité et de la rentabilité, l'oisiveté, voire la paresse, sont devenues des formes de désobéissance à l'impératif laborieux. La grève générale n'a pas forcément pour but la révolution sociale ou l'augmentation des salaires, elle peut aussi dessiner une grève ensoleillée, suggérer une autre disponibilité au monde de l'inutile. La contemplation, l'errance, l'indécision, l'instantané sont autant d'écoles buissonières qui changent la vie. Toutefois la question philosophique de l'oisiveté ne se limite pas à la critique du travail, elle amène plus finement à penser l'activité de l'inactif, la possibilité d'une paresse choisie, les vertiges du dérèglement ou de l'ennui. Car l'oisiveté n'est pas forcément de tout repos. Bibliographie complémentaire: Bertrand Russel, Eloge de l'oisiveté Clément Pansaers, L'apologie de la paresse Kazimir Malevitch, La paresse comme vérité effective de l'homme Paul Lafargue, Le droit à la paresse Samuel Johnson, Le paresseux Robert Louis Stevenson, Une apologie des oisifs
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono En 1974, alors que les intellectuels français se passionnaient pour la révolution maoïste, Roland Barthes revenait de son périple chinois en déclarant : la Chine est fade. Cette appréciation déçut les enthousiastes, et pourtant elle suggérait un assentiment qui déjouait la logique du pour ou contre. Elle désignait la Chine comme porteuse d'un débordement du sens et du savoir et d'un autre usage des discours. Cet écart paisible et inquiétant, François Jullien le travaille depuis une trentaine d'années, en démontant l'appareillage philosophique occidental à partir de son dehors chinois. Il en repense les principaux concepts, l'être, le vrai, le bien, le beau, en les frottant à des notions insaisissables et néanmoins puissantes : l'allusion, la propension, la fadeur, le flottement... Il ne s'agit pas d'opposer à nos catégories un ailleurs exotique mais de nous inviter à modifier notre regard à desserrer nos modèles de représentations, à vivre, goûter, parler différemment.
Par François Noudelmann Réalisation Clotilde Pivin Derrière le mot de critique se cachent de multiples rôles, styles et engagements. Analyser un livre d'idées dans un media généraliste peut aller de la sobre recension à la guerre de position idéologique. Au nom d'une connaissance philosophique, un critique est un passeur, il informe, conseille, éclaire. Cependant le choix et la présentation des livres ou des auteurs démentent la neutralité de cette transmission. Certains critiques assument leur partialité au point de lancer des polémiques dans le champ intellectuel. Spectateurs et acteurs de la philosophie, les critiques de livres se trouvent donc au coeur des combats d'idées. A côté de l'université, et à la lisière de l'édition, ils participent à la continuation et à la redéfinition de la philosophie. Quatre jeunes critiques viennent discuter de leurs rôles.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La notion de monde est sans doute l'une des plus communes. Chacun peut sentir, deviner, comprendre qu'il vit dans un monde, celui du milieu restreint à la mondanité sociale ou celui plus global de la mondialité. Nombre de philosophes ont voulu montrer le dévoilement du monde par la conscience qui découvre en lui son être. Mais ne pourrions-nous pas briser cette évidence en affirmant non plus que le monde "est" mais qu'il se fabrique et qu'il existe de multiples façons de faire des mondes? Le philosophe américain Nelson Goodman a suggéré que le monde s'appréhende comme un ensemble de mots et de symboles parmi d'autres versions possibles. Au lieu d'être un donné, le monde présente une construction, ou plutôt une perpétuelle reconstruction au gré de la culture et de l'histoire des humains. Parmi eux, les philosophes, les scientifiques et les artistes procèdent activement à sa "reconception".
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La vieillesse est un sujet qui intéresse les sociologues, d'autant plus que l'allongement de la vie a modifié la répartition des âges. Mais elle pose aussi une question philosophique, à la fois très ancienne et revisitée par les préoccupations contemporaines. Plus que la définition sociale de la personne âgée -seniors, vétérans ou vieillards -, c'est le vieillissement qui constitue le problème. De Cicéron à Simone de Beauvoir, la vieillesse a changé de signification. Vantée autrefois comme l'âge de la sagesse, lorsque les passions se sont adoucies, la vieillesse pousse aujourd'hui au paroxysme la scission entre soi-même et l'image du corps idéal. La vieillesse présente un miroir inversé des valeurs dominantes : la fragilité au lieu de la performance, la dépendance au lieu de l'autonomie, le retrait au lieu de l'activisme. Selon qu'elle désigne une défection inexorable ou une maturation bien comprise, la vieillesse engage toute une philosophie du devenir.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Qui est Antonio Negri? se demande-t-on à la lecture de ses nouveaux livres. Un philosophe qui va au-delà de Marx mais est resté fidèle à Spinoza? Le penseur de l'altermondialisme au XXIe siècle après avoir été l'inspirateur du gauchisme clandestin des années 70? Ses anciens amis lui reprochent d'avoir changé alors que ses ennemis l'associent encore aux Brigades Rouges. Mais ses analyses du capitalisme contemporain ont profondément bouleversé les modèles de l'émancipation politique. Empire et Multitudes sont devenus les concepts-outils d'une pratique et d'une pensée nouvelles de la résistance. La politique d'Antonio Negri est aussi une biopolitique, elle se fonde sur la puissance de la vie, celle du plus pauvre et du plus solitaire qu'il fut lors de ses années de prison, celle aussi de la communauté à construire dans une démocratie absolue. Cette irréductible puissance de vie relie aussi bien Job et François d'Assise que les insoumis du Chiapas et les révoltés des banlieues occidentales. Pour comprendre ce qui se transforme et activer ce qui libère, il faut adopter une autre grammaire des luttes. Antonio Negri la construit aussi bien en philosophe qu'en dramaturge sur un théâtre de l'indignation et de l'espoir.
Par François Noudelmann Réalisation: Olivier Bétard On ne se sert pas d'une langue, c'est elle qui nous parle. Elle se développe comme un organisme vivant et se transforme à travers le corps des parleurs. Quelques amoureux des langues savent en observer l'histoire et les mutations. Les linguistes, les lettrés et les traducteurs vivent de cette continuelle circulation des mots et des significations. Ils renversent le mythe de Babel et voient dans la multiplication des langues non pas un châtiment divin mais l'encouragement à passer par tous les langages pour accéder au sens. Ce cheminement est composé de découvertes, d'extases et de doutes. Car les manières de dire révèlent chaque fois différentes relations au monde. Les langues ne pensent pas le néant ou ne disent pas je t'aime de la même façon. Est-ce à dire que certaines nous disposent plus que d'autres à l'amour ou à la philosophie?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La philosophie s'est souvent servie de la littérature pour illustrer ses propres vérités. Elle y puise des exemples commodes à ses démonstrations. Quel professeur de philosophie n'a pas utilisé tel personnage théâtral ou telle anecdote romanesque pour agrémenter sa leçon d'un supplément pédagogique? Des philosophes plus aventureux ont cherché à découvrir dans la littérature des vérités que la philosophie n'arrive pas à saisir. Car la vérité ne se dit pas exclusivement dans le langage du concept et il faut parfois recourir à une langue polysémique et à des formes complexes pour accéder aux zones les plus opaques du réel. Mais la fréquentation des parages littéraires ne laisse pas indemne le philosophe car elle remet en cause son langage propre. Comment résister à leurs charmes sans se perdre? Devant la littérature, la philosophie est-elle alors condamnée à choisir entre l'explication naïve ou la séduction incontrôlée?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Depuis les années 80, les sociétés occidentales ont modifié leur rapport au temps : alors que le XXe siècle avait misé sur l'avenir, multipliant les utopies artistiques et politiques, il a fini sur une commémoration du passé. Le mémorial l'emporte désormais, comme si l'héritage précaire des civilisations nécessitait une protection permanente. S'agit-il d'un âge de raison ou bien la survalorisation du passé témoigne-t-elle d'une névrose collective? Car la passion patrimoniale ne se contente plus de conserver le passé, elle répertorie aussi le présent pour le constituer en réserve muséale. Du coup, tout se transforme en patrimoine : les objets les plus ordinaires, les paysages naturels, les activités immatérielles, les gènes de l'humanité... Cette extension correspond-elle à l'universalisation de ce qui demeurait autrefois le propre d'une nation? Ou bien révèle-t-elle une angoisse identitaire qui transit le contemporain de mélancolie?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Les amoureux de l'art imaginent souvent que les oeuvres échappent au temps et vivent de leur propre gloire. Le mythe de la beauté éternelle a nourri cet idéal au point de définir l'art lui-même comme un accès à l'éternité. Les historiens de l'art nous apprennent, au contraire, à replacer les oeuvres dans leur époque : leurs modes de représentation sont étroitement liées à des histoires, des politiques, des économies qui ne sont pas seulement artistiques. Pourtant la réception des oeuvres d'art ne se réduit pas strictement au décryptage historique. Regarder une fresque d'Uccello, un tableau de Gauguin ou une photographie de Cindy Sherman, implique aussi la culture du spectateur et donc un rapport complexe entre des temporalités distinctes. Cette relation suppose plusieurs contretemps : celui de l'oeuvre à l'égard de son époque et celui du spectateur devant les oeuvres passées ou présentes, oeuvres déplacées, opaques, sédimentées.
Par François Noudelmann Réalisation: Dominique Briffaut Le débat intellectuel en France est marqué, depuis l'Affaire Dreyfus, par des textes accusateurs et des polémiques mêlant la philosophie et la littérature à de grandes causes politiques. Pour le meilleur ou pour le pire, ces réquisitoires ont stigmatisé des penseurs traités de chiens de garde du pouvoir, de traîtres à la raison ou de complices des tyrannies. A travers les joutes de Sartre, d'Aron ou de Camus se lisaient les fracas du XXe siècle entre l'espérance révolutionnaire et la dénonciation du totalitarisme. Mais depuis quelques années une accusation moins idéologique se fait entendre : celle d'antisémitisme dont seraient coupables des philosophes qu'on ne soupçonnait pas d'une telle passion. Sartre, Deleuze, Bourdieu, Derrida ou Badiou se retrouvent attaqués selon des motifs très divers mais qui font série sous le terme de "pensée 68": en deçà des querelles médiatiques se règle sans doute là un héritage politique et un retournement philosophique dont les véritables enjeux relèvent peut-être moins du judaïsme que d'une politique de l'universel.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Darwin était-il darwiniste? L'utilisation des ses thèses à des fins idéologiques a brouillé la connaissance de ses oeuvres. Darwinisme ou créationnisme, sélection naturelle ou injustice sociale, adaptation ou eugénisme... de telles oppositions font oublier le travail conceptuel entrepris par celui qui révolutionna la science mais aussi la représentation de la nature. Sa pensée de l'évolution s'est développée en fonction de ses découvertes, de ses intuitions, mais aussi des figures qui étaient à sa disposition, parfois insuffisantes ou contraignantes, comme l'arbre généalogique. Dans son laboratoire conceptuel, Darwin a promu des idées phares pour penser globalement la nature, et particulièrement la parenté entre tous les êtres, sans distinction ontologique. Il a manipulé aussi des notions contradictoires comme la nécessité et la contingence, la sélection et la diversification. La postérité de Darwin n'est pas seulement scientifique mais aussi philosophique.
Par François Noudelmann Réalisation: Franck Lilin Avital Ronell est une philosophe issue de ce qu'on appelle aux Etats-Unis la French theory. Dans la proximité de Jacques Derrida avec qui elle mena des séminaires d'analyses déconstructives, elle travaille sur des auteurs tels que Goethe, Nietzsche et Heidegger, sur des sujets comme l'addiction, la bêtise et les tests. Professeure à Berkeley puis à New York University où elle dirige la chaire de littérature germanique, elle est enfin traduite en France où paraissent Stupidity, Telephone book et American Philo . Une telle reconnaissance ne saurait faire oublier la marginalité de cette philosophe qui se définit comme un voyou et qui fut élue "femme la plus dangereuse des USA" par Research magazine, mais aussi "une des trois meilleures écrivaines" par Village Voice. Sa manière de lire les textes, de construire des objets et d'écrire la philosophie contribue à modifier sensiblement le diapason par lequel on écoute et on évalue les discours du temps.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Une campagne électorale est un moment de diffusion maximale des discours politiques. En principe, l'argumentation raisonnée des candidats doit éclairer la délibération des électeurs. Toutefois le langage politique n'exprime pas seulement des idées, il implique des rhétoriques et des systèmes de signes qui ont leur propre logique. La nécessité de mettre en scène la parole du pouvoir n'est pas nouvelle, mais la transformation des modes de communication a bouleversé la nature du langage. La sociologie et la sémiotique permettent de comprendre comment l'art de persuader procède de multiples interactions qui déterminent l'adhésion des électeurs. Ces procédures déjouent-elles les positions partisanes ou peut-on encore identifier des types de discours propres à la gauche ou à la droite? La période de campagne électorale témoigne-t-elle d'une redistribution des codes ou bien d'une confiscation de la parole publique au profit d'un système communicationnel qui nivelle les argumentations politiques?
Par François Noudelmann Réalisation: Franck Lilin Traditionnellement un apprenti philosophe se forme à partir des auteurs consacrés du panthéon philosophique. Pourtant quelques jeunes esprits n'hésitent pas à s'aventurer sur les terrains beaucoup plus inattendus de la culture populaire, comme la science-fiction. Se déplacer vers des objets négligés de la philosophie permet non seulement de découvrir des régimes de pensée inventifs mais aussi de revenir aux textes philosophiques pour en révéler la part de fiction. Les films, les romans, les installations artistiques relevant de la SF sont autant d'exercices philosophiques qui interrogent l'identité humaine, ses métamorphoses, sa disponibilité à composer de nouveaux êtres en s'hybridant avec les machines. Les cybercorps et les mutants ont remplacé les robots dans l'imaginaire de la science-fiction. Font-ils surgir des questions inédites, issues des progrès biotechnologiques, ou présentent-ils de nouvelles figures pour d'anciens problèmes philosophiques?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La sympathie est un sentiment spontané, elle semble échapper à la raison. Pourquoi telle personne nous paraît-elle sympathique? Comment expliquer tel penchant à partager ou non la douleur d'autrui? La sympathie recouvre en fait plusieurs significations : car elle ne désigne pas seulement les affinités sentimentales, mais aussi l'harmonie avec un milieu, ou encore la chimie des substances qui peuvent se mélanger. Bien que cette notion ne soit pas un concept clairement identifié par la philosophie, de nombreux philosophes en parlent, soit pour s'interroger sur la logique des sentiments, soit pour en faire une question morale, voire politique. La société la plus rationnelle fonctionne difficilement sans un peu de sympathie entre ses membres. Mais peut-on la décider, la fabriquer, la gouverner?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Le mot de contemplation est devenu un peu désuet.On l'a exilé dans les monastères ou les réunions de psychothérapies new age. Qu'y a-t-il à contempler aujourd'hui? Les réalités célestes se sont évanouies, il faut impérativement consommer, avoir des activités professionnelles, physiques, culturelles... L'action l'emporte, par principe. Quelques esthètes diront encore qu'ils contemplent des oeuvres d'art, mais le visuel n'offre plus de passage vers un au-delà supra sensible. La distinction médiévale entre vie active et vie contemplative semble avoir disparue, à moins de penser d'autres ressources, d'autres états. Car la vie ne se réduit pas à des flux tendus, ni à une fabrique toujours insatisfaite. Le temps plein de l'action est troué par le silence, la musique, la solitude, la joie. La contemplation se découvre dans la syncope, mais elle exige de l'écoute et de l'exercice.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La modernité du XXe siècle s'est construite à Vienne pendant les premières décennies. La philosophie, la littérature, la musique, le cinéma, la peinture, l'architecture y ont connu des révolutions décisives. Si les noms de Freud, Wittgenstein, Schiele ou Schönberg signent cette époque viennoise, on oublie souvent ceux du Cercle de Vienne et plus généralement de l'empirisme logique. Carnap, Schlick ou Neurath ont pourtant marqué un tournant théorique. Adversaires de la métaphysique allemande, ils ont décloisonné la philosophie en lui déniant le privilège de penser toute seule. Les sciences furent leur objet et leur modèle, mathématique ou physique, tant ils revendiquaient une "conception scientifique du monde". Ils furent des constructeurs, à l'image des architectes et des urbanistes de leur temps, soucieux aussi d'émancipation sociale. Que s'est-il joué dans ce rapport de la philosophie à la science, à l'art et à la politique? L'esprit de construction est-il aujourd'hui révolu ?
Par François Noudelmann Réalisation: Marie-Christine Clauzet Dans Macadam philo les philosophes analysent l'actualité culturelle, politique et scientifique. Ils interviennent de manière intempestive et font entendre une autre voix que celle des experts. cette semaine trois philosophes parleront de la visibilité des invisibles: De la visibilité des invisibles: Jacques Rancière traitera de la condamnation des ouvriers de Clairoix (saccage de la sous-préfecture de Compiègne) Genneviève Fraisse traitera du burkini et de la visibilité de la femme Jean-Clet martin de la mise en ligne par google de textes invisibles
Par François Noudelmann Réalisation:Françoise Camar Pendant les cinq dernières années de sa vie, Sartre, progressivement aveugle, a entretenu un dialogue philosophique avec un jeune homme du nom de Pierre Victor. Cet ancien dirigeant de la Gauche prolétarienne suivait son propre itinéraire qui devait le conduire, par le biais de Levinas, à un retour au judaïsme et à son nom de Benny Levy. Les sartriens de longue date réagirent parfois violemment à ce débat tardif qui semblait détourner la pensée du philosophe. Ces entretiens auraient dû aboutir à la publication d'un livre à deux, "Pouvoir et liberté", présenté comme un renouvellement radical de la pensée sartrienne. Mais la mort de Sartre interrompit le projet dont ne parut qu'une version réduite et autorisée en 1980, dans Le Nouvel Observateur. Aujourd'hui sont publiés les cahiers de Benny Levy qui consignait leur travail commun, une nouvelle occasion de savoir si ce dialogue fut une renaissance ou un malentendu.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono De la mort la philosophie ne dit rien frontalement. Elle l'aborde sous les concepts de négatif ou de néant et elle laisse à la religion le discours sur l'au-delà. Elle ne peut penser la mort que dans la vie, soit pour définir une ontologie de la finitude, soit pour suggérer une éthique du savoir-mourir. La mort du philosophe devient alors une affaire de pédagogie pour les vivants. Cependant la mort de soi demeure toujours impensable et l'on se découvre comme des survivants face à la mort des autres. Le deuil est en effet une expérience de l'incertitude qui fait vaciller les concepts. La psychanalyse peut le prendre en charge et tenter de l'organiser en travail, en prévenant le risque de la mélancolie. Le deuil s'accomplit alors par son expression discursive ou par sa ritualisation sociale. Mais les discours les plus éloquents sur le deuil, les paroles intimes et les oraisons funèbres, nous consolent-ils ou masquent-ils une faille à jamais irréparable?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Le philosophe espagnol du XVIIe siècle Baltasar Gracian, après avoir rédigé des traités de politique et de morale, écrivit à la fin de sa vie un roman, le Criticon. Son goût des allégories donne à ce livre l'apparence d'un récit édifiant mais son auteur est un jésuite indiscipliné qui ne cesse de jouer avec les apparences. Le parcours proposé au lecteur relève du roman d'apprentissage, rythmant les âges de la vie du printemps à l'hiver : les deux personnages principaux traversent les illusions du Néant jusqu'à la révélation du vrai bonheur. Cependant Baltasar Gracian en profite pour régler se comptes avec toutes les autorités du monde terrestre et le récit se transforme en roman picaresque, mêlant la satire au fantastique. Du coup la leçon philosophique devient une glorification du jeu langagier et de l'esprit baroque. Bibliographie complémentaire: Parution prévue pour 2009 : Pensée de l'être et théorie politique. Le moment suarézien. (600 p.) Vitoria, Leçon sur l'homicide, Essai : La question de l'homicide à la lumière du droit divin et du droit naturel. A la recherche de l'effectivité de l'exigence théologico-éthique et traduction annotée, (160 p.) dans l'édition définitive prévue, 2° semestre 2008, Dalloz. Suárez. Disputes métaphysiques XXVIII-XXIX, Introduction, 90 p., « Quelle communauté d'être pour le Créateur et la créature ? La légitimité de la théologie à l'épreuve de la question de l'analogie de l'étant », (Thomas d'Aquin, Cajetan, Diego Mas, Suárez), 300 p. parution 2° semestre 2008, Grenoble, Jérôme Millon. Droit naturel et humanité chez Burlamaqui, 300 p. avec une édition critique de l'ouvrage de Burlamaqui : Principes du droit naturel, 200 p., Paris, Dalloz, mars 2007 (500 p.). Philosophie politique et ontologie. II. (Rousseau-Kant), Paris, L'Harmattan, février 2006, 207 p. Philosophie politique et ontologie. I. (Platon, Aristote, Suárez, Hobbes, Spinoza), 370 p., Paris, L'Harmattan, février 2006), préface de M. B. Bourgeois de l'Académie des Sciences Morales et Politiques. Suárez. Des lois et du Dieu législateur (Livres I-II), Introduction : « La politique ontologique de Suárez » (81 p.), Paris, Dalloz, 2003, 688 p. (2° édition, mars 2005)[1]. Suárez. Dispute LIV, Introduction : « L'extension logique du champ de l'ontologie », Paris, Vrin, 2001, 204 p.[2] Le vocabulaire de Suárez, Paris, Ellipses, 2001, 60 p.[3] Suárez. La distinction de l'étant fini et de son être. Dispute métaphysique XXXI, Introduction : « La généalogie d'une ontologie de l'essence », Paris, Vrin, 1999, 289 p.[4] Suárez et la refondation de la métaphysique comme ontologie, (avec la traduction de l' « Index détaillé de la Métaphysique d'Aristote ») Peeters, (Philosophes médiévaux, T. 38) Louvain, 1999, 309 p. (67*p., 242 p.).[5] Suárez. Disputes métaphysiques I-III, Introduction : « Suárez et la renaissance de la métaphysique », Paris, Vrin, 1998, 344 p.[6]
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Voici un homme à deux têtes, un homme qui porte, sortant du thorax l'énorme appendice d'un frère régressé aux membres atrophiés, un enfant cyclope sans nez et privé de cerveau... L'énumération pourrait continuer ainsi longtemps si l'on n'éprouvait très vite une sorte de dégoût. Mais pourquoi un tel trouble ? Comment peut-on appeler monstre un être qui naît du ventre d'une femme ? En nous confrontant aux limites de notre tolérance, la grande difformité physique nous révèle nos craintes liées au corps mutilé, dégradé, régressé, non viable. Elle suscite des peurs irrationnelles de contamination et des fantasmes de métamorphose, mais aussi des angoisses rationnelles en touchant à la fragilité de l'organisme et au vécu intérieur du corps. A partir d'une analyse de la perception courante du corps gravement handicapé, de l'étude des exhibitions des monstres au XIXe siècle et de l'histoire de la tératologie scientifique marquée en France par Etienne et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Camille Dareste et Etienne Wolff, Pierre Ancet s'efforce de comprendre ce qui se produit en nous face au corps difforme d'un individu, et nous pousse à penser de lui : «c'est un monstre».
Par François Noudelmann Réalisation: Laurent Rousseaux Depuis quelques années le pathos semble faire un retour spectaculaire : au théâtre, des scènes délibérément choquantes donnent l'impression de renouer avec la catharsis antique. Dans l'art contemporain, de nombreuses installations en appellent à des affects violents et à l'empathie des spectateurs. Et même la politique, toujours plus télévisuelle, joue de grandes scènes pathétiques au chevet des victimes. Après le temps de la rationalité métacritique, serait-on passé du concept à l'affect? La question n'est pas si nouvelle car le pathos a été l'objet d'une réflexion philosophique et dramaturgique à plusieurs époques. L'expression de la passion, le goût des larmes, l'effroi sublime ont suscité nombre de controverses qui nous permettent de comprendre aujourd'hui le défoulement de l'émotion.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Le mot d'engagement a mauvaise réputation, associé aux années militantes, à la réquisition de la pensée par une cause politique. En France, la figure sartrienne de l'intellectuel qui en était le symbole a connu son déclin. Dans les années 80 certains philosophes en ont même proclamé la fin, avec résignation ou avec soulagement, et les débats philosophiques se sont repliés sur des enjeux plus spéculatifs. Pourtant certaines querelles font ressurgir la politique au coeur des références philosophiques. Ainsi de Heidegger et Schmitt qui, dans le paysage intellectuel français, donnent lieu à des polémiques éditoriales. Ainsi des sujets de religion qui, sous le feu d'une actualité guerrière, dressent des cohortes de philosophes s'opposant à coup de pétitions dans les journaux. Prolongeant ces déclarations, un désir manifestaire se fait jour à travers des maisons d'éditions et des revues. Après des années de repli, s'agit-il d'un réinvestissement de la politique par les philosophes?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Le philosophe Pierre Bayle est surtout connu par son monumental Dictionnaire historique et critique, et Voltaire admira en lui un défenseur de la raison et de la tolérance. Mais ce protestant français, réfugié en Hollande à la fin du XVIIe siècle, mérite d'être lu pour lui-même et pas seulement comme inspirateur des Lumières. Chrétien en lutte avec le papisme et l'oppression catholique, il défendit aussi la vertu des athées, prenant pour modèle Spinoza ou les héros persécutés à cause de leur incroyance. Une telle indépendance d'esprit rendit Bayle scandaleux aux yeux de l'Eglise catholique mais aussi de certains théologiens réformés. Son scepticisme engagé, sa défense de la liberté de conscience sont d'une étonnante actualité. Plus encore, le style de pensée déployé par Bayle, donne à voir comment la raison philosophique se déplace librement vers des questions qui seront, quelques siècles après, celles des sciences humaines.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Guy Debord pourrait s'effacer avec 1968. Figure marginale de la contestation, il fut surtout célèbre pour son livre sur La Société du spectacle. Pourtant Debord reste une référence durable, au-delà de l'internationale situationniste qu'il inspira et qu'il saborda. Des hommages et des manifestes lui sont toujours consacrés, sa volumineuse correspondance apporte de nouveaux éclairages, et ses thèses qui paraissaient très datées retrouvent une actualité subversive. Debord aurait-il saisi une vérité du temps qui résiste à la fin de l'histoire hégéliano-marxiste? Et sa puissance clandestine tient-elle à ses oeuvres ou à sa geste destructionniste? Assurément, celui qui voulait "réaliser la philosophie" éclaire aujourd'hui le nihilisme contemporain.
Par François Noudelmann Réalisation: Olivier Bétard La biographie et la correspondance des philosophes nous apporte souvent des anecdotes plaisantes mais avec Nietzsche, elle éclaire un parcours philosophique. Loin de séparer la vie et l'oeuvre, Nietzsche a stigmatisé les comportements des grands penseurs et il a souvent dénoncé dans leur quête d'abstraction une incapacité à aimer la vraie vie. C'est pourquoi l'existence de Nietzsche lui-même a pris une valeur singulière. Elle se découvre dans ses nombreuses lettres qui expriment autant ses exaltations que ses déchirements. L'homme qui pensait en marchant gravissait des chemins escarpés. Ses amis étaient les témoins de ses ruptures dramatiques avec l'Allemagne et avec Wagner qui l'avait pourtant fasciné. La correspondance de Nietzsche permet ainsi de suivre les traces d'un penseur d'exception toujours en avance sur lui-même.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin On pourrait croire que la psychanalyse se réduit à gérer les névroses courantes mais sa théorie comme sa pratique ont une ambition beaucoup plus forte, un peu oubliée. Elle se confronte à des questions philosophiques et politiques telles que le désir révolutionnaire, le nouage des identités ou la terreur des corps. La psychanalyse se découvre autrement par ses extrêmes.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Les intellectuels aux Etats-Unis ne jouent pas le même rôle qu'en France. Leur statut et leur histoire diffèrent. Ils exercent à l'université avec une grande radicalité et remettent en question les savoirs et les disciplines. Mais ils interviennent peu dans l'espace public où ils sont plutôt ignorés. D'où le contraste entre une culture de masse nourrie par les stéréotypes sociaux et une pensée anticonformiste et subversive sur les campus. Cependant l'élection présidentielle de 2008 a fait bouger cette frontière. Très mobilisés en faveur du candidat Obama, nombre d'intellectuels pétitionnent, font du porte à porte et s'engagent sur le terrain politique et idéologique. Même si la révolution n'est pas attendue, un grand enthousiasme soulève les étudiants et les universitaires new-yorkais. Une série d'entretiens réalisés par François Noudelmann pour France-Culture et Eric Aeschimann pour Libération avec des universitaires de multiples champs du savoir (African studies, Gender studies, Queer studies, Philosophy, Cinema, Comparative Literature, Sociology, Politics...) Avec Nancy Miller (Graduate Center CUNY), Avital Ronnel (NYU), Kritin Ross (NYU), Tom Bishop (NYU), Manthia Diawara (NYU), Robert Harvey (SUNY), Joe Litvak (Tufts University), Richard Senett (NYU)
Par François Noudelmann
par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Le matérialisme du XVIIIe siècle a été souvent négligé à cause de l'ombre du matérialisme marxiste. Il recouvre une nébuleuse de figures difficilement identifiables car elles se déploient sur de nombreux terrains : ces penseurs sont des entrepreneurs, des médecins, des avocats... C'est le moment heureux de l'Encyclopédie et de l'esprit curieux de tout, échappant à la spécialisation des savoirs. Un philosophe s'intéresse aussi bien aux mathématiques et à l'astronomie qu'à la littérature et à la musique. La raison ne dédaigne aucun objet, et se plaît à la conversation, à l'humour, à l'érotisme. Ce vagabondage va de pair avec une radicalité philosophique et politique. L'opposition des Lumières au pouvoir religieux est bien connue, mais les propositions matérialistes ont aussi mis en cause la morale, la liberté et la nature de l'homme. Curieux de vérités scientifiques encore incertaines, les matérialistes ont su y découvrir des problèmes philosophiques qui ne cessent de hanter, sous d'autres noms, nos interrogations sur la matérialité de la pensée ou du désir. Références bibliographiques complémentaires: La Mettrie, Oeuvres philosophiques (2 volumes) ,(1751), 1987 La Mettrie, Ouvrage de Pénélope ou Machiavel en Médecine, (1751), 2002 Textes revus par Francine Markovits (Université de Paris X) *Helvétius, De l'esprit * , (1758), 1988 Helvétius, De l'homme, (1773), 1989 Textes revus par Jacques Moutaux (IGEN) D'Holbach, la politique naturelle, (1773), 1998 D'Holbach, le système de la nature ,(1770),2 vol., 1990 D'Holbach, Système social, (1773), 1994 Textes revus par Josiane Boulad-Ayoub (Université du Québec à Montréal) Tous ces ouvrages dans la collection "Corpus des oeuvres de philosophie en langue française", publiée chez Fayard sous la direction de Michel Serres Site: www.corpus-philo.com Les textes de cette collection étant publiés sans notes, les critiques et les documents sont dans :Corpus, revue de philosophie Site : www.revuecorpus.com n° 5/6, 1987, consacré à La Mettrie n° 22/23, 1993 , consacré à D'Holbach
Par François Noudelmann Réalisation: Brigitte Mazire Les matrices nationales Les nations présentent leur propre histoire sous la forme d'un grand récit qui débute par des origines glorieuses, comme une création continuée. Il s'agit d'une mythologie et d'une généalogie blanches, moins au sens racial que par un blanchiment, une occultation des éléments hétérogènes et discontinus qui ont constitué l'entité nommée nation. La raison nationale, lorsqu'elle se présente sous une forme républicaine, efface l'imaginaire communautaire qui la nourrit et les rapports de force qui demeurent. Elle recourt cependant à des mythes idéologiques puissants pour imposer l'image d'une matrice commune à tous les citoyens : racines, ancêtres, mémoires permettent d'élire les autochtones. Ceux qui ne participent pas à ce grand récit font l'objet de pratiques et de discours sociaux, moraux et médicaux qui les marginalisent. Est-il possible d'échapper à cette mythologie et de dénationaliser la politique et l'histoire? Et par quelle voies : La contestation ou l'imagination, la philosophie, l'anthropologie ou le comparatisme? Avec Marcel Detienne, professeur à Johns Hopkins university Les Maîtres de vérité en Grèce archaïque, Livre de poche 2006 Les Grecs et nous, anthropologie comparée de la Grèce ancienne, Perrin 2005 Comment être autochtone, du pur Athénien au Français enraciné, Seuil 2003 Elsa Dorlin, maître de conférences à l'université de Paris 1 La Matrice de la race, généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, La Découverte, 2006 L'Evidence de l'égalité des sexes, une philosophie oubliée du XVIIe siècle, L'Harmattan 2001 Louis-Georges Tin, maître de conférences à l'université d'Orléans, porte-parole du CRAN Dictionnaire de l'homophobie, PUF 2003
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Les moralistes n'ont rien de moralisateur. Au contraire ils se méfient de l'absolu moral et démasquent toutes les postures humaines qui se prévalent du Bien. Ils n'ont pas leur pareil pour déchiffrer les coeurs, ils traquent l'amour propre dans les actions les plus désintéressées. Le soupçon perpétuel les rend-il pessimistes ou sceptiques? Chaque moraliste a son propre style et peut aussi bien vanter l'existence que déplorer la comédie humaine. Ces esprits n'ont pas peur de la contradiction et varient à plaisir les formes de pensée. Car ils s'intéressent aux effets plus qu'aux fondements, ce qui les éloigne des philosophes dogmatiques. D'où le plaisir qu'ils nous procurent par leurs écritures multiples et discontinues qui sont autant d'expériences morales et inventives. Les moralistes seraient-ils aujourd'hui le meilleur antidote à la moraline?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Faire des expériences pour découvrir des vérités, quoi de plus légitime? Il a fallu bien des essais in vivo pour que la science et la médecine progressent. Cependant l'expérimentation désigne des pratiques et des théories très disparates. Entre observer une plante dans une éprouvette, inoculer des virus à des prisonniers, brûler les yeux des lapins, qu'y a-t-il de commun? Le regard technique et froid de l'expérimentateur? Ou l'avilissement des sujets de l'expérience? L'histoire des sciences ne se penche pas sur l'économie sociale des expérimentations. Certes il existe de plus en plus de comités d'éthique et de cadres juridiques pour réglementer les violences infligées au nom du progrès. Mais ne s'agit-il pas d'un artifice pour masquer des pratiques inavouables dont le profit est plus commercial que médical?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin "La nature a pourvu les hommes de remarquables verres grossissants qui sont leurs passions et leur amour d'eux-mêmes" écrit Hobbes, au XVIIe siècle, dans le Léviathan. Si les actions humaines sont gouvernées par l'instinct de survie et la satisfaction des intérêts, elles sont toutefois perturbées par les passions. Ces loupes déformantes trompent les humains qui ne voient plus ce qui leur est profitable et courent après des puissances chimériques. Face à l'empire des passions, la raison n'est pas suffisamment efficace car le désir de puissance, jamais comblé, fait miroiter aux sujets un fantasme d'avenir. Ainsi de la gloire et de ses excès, la rage ou la fureur : elle pousse à la surenchère et au conflit destructeur. Le diagnostic vaut pour chaque individu et pour les nations, hier comme aujourd'hui. Quels sont les remèdes proposés par le philosophe anglais?
Par François Noudelmann Réalisation: Marie-Christine Clauzet Dominique Lecourt s'interessera à la peur écologique notamment à travers le réchauffement climatique. Cynthia Fleury quant à elle s'interrogera sur la peur identitaire en s'appuyant sur le débat actuel concernant l'identité nationale.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Dans sa tradition française, la philosophie est liée à la vie et ne se limite pas une activité spéculative et solitaire. Les philosophes se soucient de l'efficacité de leurs idées, ils les écrivent en les adressant à des lecteurs susceptibles de les réaliser. Même les méditations les plus abstraites ont vocation à modifier l'ordre du monde, comme en témoignent le spinozisme et les Lumières radicales. C'est pourquoi les philosophes entretiennent une relation complexe au pouvoir. La volonté de diffuser leurs idées les oppose aux institutions religieuses ou politiques. Toutefois le désir de reconnaissance ou d'influence peut les conduire à chercher l'audience des puissants. Le XVIIIe siècle fut un moment glorieux et instructif sur les ambitions des philosophes à changer le monde. L'enjeu reste de savoir qui est le bon destinataire de la philosophie transformatrice : les gouvernants, le peuple ou ce qu'on appelle l'opinion publique.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Emission spéciale enregistrée le 14 Janvier à l'université de Saint-Denis où France-Culture s'est installé pour l'anniversaire des 40 ans de Vincennes. La fondation de cette université alternative qui voulait rompre avec le modèle de la Sorbonne a été un moment philosophique et politique fort dans l'histoire universitaire française. Plusieurs émissions se sont déjà interrogées sur "ce qui reste" des années euphoriques. Les "Vendredis de la philosophie" portent plutôt sur le Saint-Denis contemporain, une université de banlieue avec son public, ses pédagogies et ses ambitions différentes. Le mot de philosophie prend-il un autre sens dans un tel contexte social? La circulation des idées échappe-t-elle encore à l'enfermement disciplinaire? Le multiculturalisme, les études post-coloniales ou la théorie des genres ont-ils modifié la donne de Vincennes à Saint-Denis? Avec Zineb Ali-Benali, Pierre Bayard, Anne Berger, Serge Bonnevie, Marie Cuillerai, Stéphane Douailler, Frédéric Rambeau, tous enseignants à Saint-Denis dans différents départements, et impliqués chacun dans les refondations théoriques de Paris 8
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Il y a encore une vingtaine d'années Merleau-Ponty restait un auteur peu considéré dans l'histoire de la philosophie. Souffrant d'une moindre actualité de la phénoménologie, ses oeuvres, comme celles de Sartre et de Levinas, n'étaient étudiées que par des spécialistes. Heureusement, une meilleure connaissance de son parcours philosophique a permis de briser son enfermement scolaire. Le centenaire de sa naissance est l'occasion de renouer avec un philosophe dont les réflexions sur le corps, le vivant, le langage ou la peinture sont d'une étonnante singularité. Aujourd'hui la recherche internationale s'intéresse à tous les aspects de cette pensée jamais au repos. Et les postérités de Merleau-Ponty se découvrent aussi bien dans l'art que la science ou la politique.
Par François Noudelmann Réalisation:Clotilde Pivin A chacun son Pascal : pour les uns il fut philosophe, pour les autres il fut écrivain, pour d'autres encore il fut mathématicien, physicien, ou encore rhétoricien, apologiste chrétien. Y a-t-il une unité entre l'inventeur du calcul des probabilités et le converti au pied de la Croix? Entre le défenseur des Jansénistes de Port-Royal et le moraliste qui ne voit de grandeur que dans la misère humaine? Il existe manifestement plusieurs types vérités pour Pascal : scientifiques, politiques, historiques et métaphysiques. Elles ne se découvrent pas de la même façon et elles exigent des attitudes et des langages différents. La philosophie s'en trouve-t-elle grandie en devenant une science de l'interprétation, ou doit-elle admettre que la raison ne donne pas accès à la vérité fondatrice que seule la foi permet d'approcher?
Par François Noudelmann Réalisation:Brigitte Mazire Philippe Lacoue-Labarthe aimait le mot de version car il recouvrait beaucoup de ses activités : celle du germaniste qui traduisit des textes d'Hölderlin, eux-mêmes traductions de tragédies grecques. Traduire c'était faire venir l'impensé, le non-écrit dans l'écriture de Sophocle ou d'Euripide, via les versions contrariées du romantisme allemand. La version c'était aussi le chemin, l'orientation de la pensée. Le débat incessant de Philippe Lacoue-Labarthe avec Heidegger, et son engagement nazi, ne s'est jamais limité à la dénonciation mais fut un questionnement de ces tournants et de ces revers de la philosophie. Par son attention extrême au langage, à la poésie et à la figuration, au théâtre et à la mimesis, Lacoue-Labarthe a construit sa pensée en une traversée de textes et de scènes. Il a décrypté jusqu'au bout les versions de l'absolu, artistique ou politique, présentées en gloire ou en dévastation. Il a scruté la folie des héros sans piédestal, celle des philosophes poètes tels que Nietzsche, ou celle de l'enfant qui tente de parler encore au milieu des ruines. Bibliographie complémentaire: L'allégorie, Galilée 2006 La vraie semblance, Galilée 2006 Le Chant des muses, Bayard 2005 Le mythe nazi (avec JL Nancy), L'Aube 2005 Cartes postales d'un voyage en Pologne (avec F Nicolao), William Blake Portraits, Chantiers (avec JL Nancy et N Faure) 2004 Heidegger, la poétique du poème, Galilée 2002 Poétique de l'histoire, Galilée 2002 Phrase,Bourgois 2002 L'imitation des Modernes, Galilée 1999 La fiction du politique, Bourgois 1998 L'Antigone de Sophocle, de la césure du spéculatif, Bourgois 1998 Pasolini, d'une sainteté, William Blake 1995 Musica ficta, Bourgois 1991 Le retrait du politique (avec JL Nancy), Galilée 1983 Le sujet de la philosophie, 1979 L'absolu littéraire (avec JL Nancy), Seuil 1978 Le titre de la lettre, Galilée 1973
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin De Berkeley on se contente généralement de rappeler la célèbre formule esse est percipi, et on en fait un idéaliste extravagant pour qui le monde n'existe pas en dehors de notre perception. Pourtant ce philosophe irlandais du XVIIIe siècle fut beaucoup plus qu'un théoricien de l'immatérialisme. Anglican, il voulut éduquer les hommes du Nouveau monde, il voyagea en Europe et en Amérique avant de devenir évêque. Tory et légaliste, il défendit l'obéissance passive mais il s'intéressa aux réformes économiques de l'Irlande. Et s'il ne croyait pas en la matière, il écrivit quand même un traité de médecine sur l'eau de goudron pour soigner la vérole. Berkeley est donc un homme et un penseur aux langages multiples qui permet encore de réfléchir aux phénomènes de la perception visuelle et plus généralement à la prose du monde.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin De Levinas on retient surtout la réflexion éthique. Ses réflexions sur la rencontre du visage ont engendré de multiples commentaires et parfois une certaine vulgate morale. Mais cette expérience atemporelle de la relation à autrui fait oublier que Levinas s'est aussi interrogé sur les problèmes contemporains. Il fut même l'un des premiers à écrire sur l'hitlérisme dans les années 30. Levinas répondit à la convocation du temps présent. A sa manière, bien sûr, qui diffère de l'engagement activiste. Comment s'est-il inquiété de la justice des hommes, a-t-il mesuré l'importance du collectif? Son éthique de la responsabilité pour l'autre peut-elle s'accorder avec une politique de l'égalité pour tous? Plusieurs livres viennent de paraître qui replacent Levinas dans un débat concret avec son époque.
Par François Noudelmann
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Dans une nouvelle d'Isaac Bashevis Singer, un personnage fait l'oraison funèbre d'une souris morte par ces mots : "Tous ces philosophes, les dirigeants de la planète, que savent-ils de quelqu'un comme toi? Ils se sont persuadé que l'homme, espèce pécheresse entre toutes, domine la création. Toutes les autres créatures n'auraient été créées que pour lui procurer de la nourriture, des fourrures, pour être martyrisées, exterminées. Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis; pour les animaux, c'est un éternel Treblinka." Une telle comparaison qui met en équivalence l'extermination des Juifs d'Europe et le traitement réservé aux animaux est évidemment scandaleuse si elle cherche à instrumentaliser la Shoah pour nous sensibiliser à la cause animale. Cependant elle peut avoir une fonction éclairante si elle dévoile une archéologie de la violence où les techniques industrielles de mise à mort se retrouvent appliquées à des animaux puis à des groupes humains selon une rationalité commune. Le débat historique et philosophique est donc ouvert pour comprendre comment la métaphysique occidentale et sa séparation fondatrice entre l'humain et l'animal a pu construire une logique de l'abattoir.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Il y a plusieurs manières d'expliquer le terrorisme, par la psychologie ou la géopolitique. Mais que signifie ce mot exactement? Une technique de guerre ou l'expression de la haine absolue? L'arme des faibles ou la frappe des puissants? Le terrorisme désigne souvent la violence illégitime, celle de l'autre. Pour autant il existe bien une logique, un discours et des pratiques de la terreur. Une approche philosophique vise à interroger les fondements nihilistes ou messianiques de cette terreur. Elle tente de comprendre les ressorts d'une volonté destructrice, d'un acte souverain et illimité qui fait passer la haine ou l'idée avant toute considération humaine. Elle analyse aussi les effets de miroir que présente ce terrorisme à la démocratie pacifique.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin En inventant la psychanalyse, Freud eut l'ambition de fonder une science plus qu'une philosophie. Pourtant la résistance des scientifiques à sa théorie de l'inconscient n'a jamais cessé malgré la reconnaissance d'un savoir et d'une pratique psychanalytiques. Une distribution des rôles s'est établie entre ceux qui traitent les maladies cérébrales par la chimie et ceux qui soignent les troubles psychiques par la parole, bien que dans les faits cette frontière reste perméable. Les progrès des neurosciences ont récemment permis une connaissance beaucoup plus précise du cerveau et des comportements humains, tels que les affects, les désirs ou les rêves, qui relevaient jusqu'alors de la psychanalyse. Cette concurrence indique-t-elle un différend profond ou un malentendu provisoire? Elle déborde en tout cas l'enjeu médical et remet en scène une veille question philosophique qui opposait déjà Spinoza à Descartes, celle des relations entre le corps et l'esprit.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Il fut le dernier des philosophes médiévaux et le premier penseur des Modernes : au XVe siècle, Nicolas de Cues continue la tradition néoplatonicienne, mais Cassirer verra en lui l'annonciateur de la révolution kantienne. Pourtant ce philosophe qui écrivit de nombreux traités reste méconnu, associé à d'autres auteurs et peu lu pour lui-même. Plusieurs traductions en cours permettent de découvrir cette figure de l'humanisme naissant et sa réflexion originale sur l'un et l'infini, sur l'image vive ou sur le verbe et la raison. Nicolas de Cues fut aussi un homme d'Eglise, diplomate aux prises avec les schismes et les luttes de pouvoir. Là encore, ses propos sur la pacification des religions intéressent notre contemporain. Il ne promeut pas seulement un relativisme des pratiques mais pose un dilemme crucial : admettre plusieurs accès à Dieu conduit-il à vider la divinité de tout contenu?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono En s'attaquant à la métaphysique, Nietzsche a voulu briser non seulement les idoles de la culture occidentale mais aussi la grammaire qui les a construites. Ses oeuvres sont des armes qui font la guerre aussi bien à Socrate, au Christ, qu'aux antithèses qui hiérarchisent la vérité et les apparences, l'âme et le corps, le bien et le mal. Penseur de la vie, de l'affirmation, il a traqué les ressorts psychologiques des grandes abstractions et le ressentiment qui les anime. Sa critique généalogique a durablement jeté le soupçon sur la philosophie et ses concepts.Ignoré de son vivant, Nietzsche est devenu la pierre de touche pour évaluer les discours philosophiques. Il fut la référence majeure des années 60 et 70, et dans les années 90 il regroupa contre son nom des collectifs de philosophes. Nietzsche, inactuel, reste-t-il intempestif? N'est-il pas menacé à la fois par la vulgate hédoniste et par la vivisection universitaire?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin L'amour est un sujet sérieux pour les philosophes. L'un des premiers, Socrate, réunit ses amis pour en disserter autour d'un banquet. Mais il n'a pas donné pas le fin mot de l'amour, laissant ses convives broder de beaux discours et tenter de le charmer. Si la puissance de l'amour est indispensable à la philosophie pour conduire son désir de vérité, il demeure insaisissable. On suit sa trace à travers les grandes théories sous des noms d'emprunts : passion, libido, amitié... L'amour serait-il avant toute chose un discours dont on ne pourrait que décrire les figures? Roland Barthes en a dessiné le tracé: elles respectent des logiques et des codes, mais elles font toujours courir l'analyste derrière l'amoureux.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Il est partout sans qu'on en ait toujours conscience : le rythme est consubstantiel à la vie, comme le sont les battements du coeur ou le souffle de la respiration. Dès qu'on parle, dès qu'on marche, on adopte un rythme. Il caractérise aussi les sociétés et les cultures selon les cadences qu'elles organisent parmi les collectivités humaines. Malgré cette omniprésence, le rythme est rarement pensé en tant que tel, et s'il existe beaucoup d'études de rythme dans les arts, la philosophie le traite souvent de manière annexe. Nombre de questions philosophiques essentielles surgissent pourtant à partir du rythme : est-il une signature individuelle qui identifie un rythme bien à soi ? Peut-on le connaître ou seulement l'éprouver ? Comment articuler notre rythme à celui des autres sans suivre une marche forcée ? L'amour, la politique sont-ils affaire de pulsations à combiner ? Et si tout, absolument tout, relevait d'une question de rythme ?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La condamnation de l'image est un lieu commun de la philosophie. Depuis la critique platonicienne des apparences trompeuses jusqu'à la dénonciation classique des erreurs causées par l'imagination, l'image représente un danger pour la pensée. Au XXe siècle la critique est devenue plus sociologique avec l'idée que nous vivons dans une "civilisation de l'image". Et c'est le spectacle qui fait l'objet d'une réprobation par ceux qui déplorent l'aveuglement des masses devant la télévision. Mais les spectateurs sont-ils aussi passifs et ignorants qu'on le prétend? Ont-ils besoin qu'on les éduque pour distinguer le vrai du faux, le bien du mal? Sans doute faut-il redéfinir la fonction critique dont personne n'a le monopole.
Par François Noudelmann Réalisation:Françoise Camar La fronde universitaire de ce printemps a été en partie provoquée par une réforme sur l'évaluation de la recherche. Dans un univers où la notation est omniprésente pour délivrer des diplômes, il semble surprenant que les maîtres contestent le fait d'être évalués. Cette réaction pose en fait un problème de fond sur la nature de l'évaluation dont le modèle quantitatif s'applique difficilement aux productions intellectuelles. Et surtout elle souligne combien l'évaluation est devenue aujourd'hui une idéologie. Audit, quantificateurs, tests et indicateurs de performance sont les mots de cette novlangue. Tout est évaluable : les revues, les enfants névrosés, les ministres et même l'avenir. Mais ce souci de la rentabilité n'impose-t-il pas un modèle économique étranger à une grande part des activités humaines? Et son apparente objectivité ne cache-t-elle pas le fantasme d'un contrôle généralisé?
Par François Noudelmann Réalisation:Pierrette Perrono La nationalisation de la philosophie est toujours abusive : il n'existe pas, malgré les étiquettes, de philosophies espagnole, ni même anglo-saxonne ou continentale. Cependant le lieu de la pensée n'est pas indifférent à son contenu ni ses manières, car toute philosophie s'exerce en situation. Philosopher en Espagne aujourd'hui implique le passé récent de ce pays sorti de la dictature et devenu, en quelques années, l'un des plus modernes d'Europe. Fernando Savater est un philosophe engagé dans l'Espagne contemporaine et son opposition au franquisme s'est nourrie des lectures de Spinoza, Voltaire et Nietzsche. Les concepts de liberté, d'éthique et d'éducation traversent ses nombreux livres et sont discutés autant au regard de la tradition philosophique qu'à partir de l'actualité politique. Son analyse de la démocratie intègre donc la fragilité d'une jeune citoyenneté menacée par le nationalisme, celui des vieux démons phalangistes ou celui des régionalistes basques. Payant au prix fort cette indépendance d'esprit, le philosophe menacé de mort n'en continue pas moins de promouvoir le plaisir de la pensée.
Par François Noudelmann Clotilde Pivin "Demeurer le moins possible assis : ne prêter foi à aucune pensée qui n'ait été composée au grand air, dans le libre mouvement du corps - à aucune idée où les muscles n'aient été aussi de la fête. Tout préjugé vient des entrailles. Être cul-de-plomb, je le répète, c'est le vrai péché contre l'esprit". Nietzsche affirmait ainsi son tempérament de voyageur et il dénonçait les philosophes en chambre comme les moines dans leur cellule. La marche est une expérience de vie et de pensée tout à la fois. Elle offre une disponibilité au dehors, à l'exil, à l'inattendu.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La sensibilité face à la souffrance des animaux n'est pas uniquement une sympathie protectrice. Elle peut encourager aussi une réflexion sur la distinction qu'opère la métaphysique occidentale entre l'homme et l'animal. La rationalisation industrielle des élevages ou les expérimentations pharmaceutiques sur des cobayes provoquent de plus en plus de réactions qui fracturent les barrières établies entre les espèces. Toutefois le concept d'Animal peut-il synthétiser tous les êtres vivants, poulpes, moustiques, chats de compagnie ou taureaux de corrida et en faire également des sujets de droit? En philosophie, la fameuse théorie cartésienne des animaux-machines masque une longue réflexion sur la différence entre l'homme et l'animal. Depuis Plutarque s'étonnant qu'on puisse manger la chair animale jusqu'à Derrida ressentant une honte à se retrouver nu devant son chat, comme s'il était tout à coup à poil devant un autre animal que lui, le doute persiste. Du coup la proximité suggère des relations qui ne seraient plus seulement instrumentales mais éthiques avec les animaux.
Par François Noudelmann Réalisation:Clotilde Pivin L'interrogation de la philosophie sur la santé remonte à l'Antiquité lorsque les penseurs définissaient la meilleure vie possible ou souhaitable. Mais les progrès de la médecine, par la connaissance et le traitement des corps, ont profondément changé les sujets de réflexion. L'aspirine a tué le stoïcisme, aiment à dire les chimiothérapeutes. Cette boutade révèle que la médecine impose une nouvelle donne à la philosophie, d'autant plus qu'elle a envahi la société : au-delà de sa fonction curative, elle norme les comportements individuels et elle inspire des politiques. Le statut épistémologique de la santé s'est modifié, trouvant ses modèles du côté de l'économie et de la technique. Du coup les individus se retrouvent avec un capital, leur corps, à faire fructifier selon une logique compétitive. Une telle mutation encourage-t-elle la responsabilisation de chacun, libre de gérer son corps propre, ou entraîne-t-elle tous les corps dans une pathologie de la performance?
Par François Noudelmann Réalisation:Clotilde Pivin Lorsque les philosophes écrivent sur la musique ils choisissent généralement le répertoire classique. Qui oserait disserter savamment sur Dalida ou Charles Trenet? Et pourtant la musique populaire peut offrir de nombreux objets philosophiques. Les tubes de variétés ou les concerts de rock donnent à penser non seulement notre temps mais aussi la structure des rengaines et de l'écoute compulsive. Pourquoi certains airs s'installent-ils dans nos oreilles? Parce qu'ils sont naturellement entêtants ou parce qu'on les associe à des souvenirs intimes? A moins que nous soyons conditionnés à les recevoir comme des marchandises fétiches. Les musiques populaires désignent autant des productions manufacturées que des façons de jouer avec la dépense capitaliste. Les philosophes devraient donc les écouter davantage pour peu qu'ils acceptent de changer leur diapason.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La langue française a beaucoup de mots pour nommer le bruit. Il y a les grands bruits, vacarme, brouhaha, barouf, tapage, tintamarre ou boucan... Et les petits bruits tels que le glouglou, le cliquetis, le bourdonnement ou le murmure. Cette richesse lexicale est inversement proportionnelle à la dévalorisation du bruit, perçu comme une nuisance. Défini par la négative, le bruit est un son sale, parasite, non harmonique; il relève du populaire ou du corporel. De fait, le bruit des masses effraie, les bruits du corps dérangent. Cependant cette dévaluation symbolique ne doit pas nous rendre sourds à la présence du bruit, non seulement dans la société mais aussi dans la musique même. Car la relation au bruit est un révélateur sensible des comportement humains. Quels bruits sommes-nous capables d'écouter ou de faire? Tout le bruissement du monde dépend d'une telle question.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Qu'est-ce qui permet de définir des familles dans la nature ou dans les cultures? Des parentés de substance, des visions du monde, des pratiques sociales? La déconstruction philosophique de la frontière séparant l'humain, l'animal et le végétal interroge non seulement l'identité humaine mais aussi ses apparentements. A côté de la philosophie, le travail de l'anthropologie permet de repenser radicalement les modes d'identification et de relation qui à la fois unissent et distinguent les humains. Car l'histoire humaine ne se réduit pas au progrès dessiné par les temps modernes montrant l'arrachement de l'homme à la nature. C'est plutôt celle des continuités multiples et changeantes que des civilisations ont construites avec leur environnement naturel. La distinction métaphysique entre nature et culture ne serait donc plus seulement à déconstruire philosophiquement de l'intérieur mais à isoler, voire à dépasser, comme une construction occidentale vacillante qui informe nos affiliations avec les êtres et les choses.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Dans un petit village du Limousin, à Saint-Léonard-de-Noblat, on peut trouver au fond d'un cimetière une tombe sur laquelle est inscrit, sous d'autres patronymes, le nom de Gilles Deleuze. On peine à imaginer que le penseur de la nomadologie et de la déterritorialisation aimait à séjourner dans une région si éloignée des lieux mondains et cosmopolites. Mais sans doute l'héritage de Deleuze n'a-t-il pas fini de nous surprendre tant la réception de sa philosophie a suivi, dès son vivant, des géographies imprévisibles. Grand lecteur de l'histoire de la philosophie, il enseigna à l'université de Vincennes et renouvela les interprétations de Spinoza, Leibniz et Nietzsche. Il offrit aussi des lectures originales d'écrivains tels que Proust, Kafka ou Beckett. Et il porta sa réflexion vers les arts avec une très grande acuité, consacrant une étude à Francis Bacon et deux volumes majeurs au cinéma. Deleuze développa sa pensée dès 1969 dans Différence et répétition et Logique du sens, et il écrivit avec Félix Guattari des oeuvres qui marquèrent une révolution de la pensée philosophique, notamment L'Anti-Oedipe et Mille-Plateaux.Ces livres continuent d'être des boîtes à concepts, repris dans les champs les plus divers : la création artistique, la politique et la psychanalyse. Dix ans après sa mort volontaire, il s'agit moins de faire un bilan que de témoigner, avec de jeunes chercheurs et des lecteurs singuliers, d'une pensée multiple et rhizomatique.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Bien qu'ils aient acquis une place essentielle dans le patrimoine philosophique, certains penseurs ont été, au coeur de leur temps, controversés et marginalisés. On étudie leurs oeuvres et leur logique interne en oubliant souvent le contexte historique dans lequel elles ont été écrites, comme si elles ne dialoguaient qu'avec les maîtres anciens. Une autre histoire de la philosophie nous permet cependant de saisir le développement de pensées en interaction avec la politique, l'économie, les moeurs. Deux récentes publications nous permettent de renouveler le regard sur des figures du XVIIe siècle : celle de Benito Pelegrin, qui présente et traduit, dans un volume de mille pages, tous les traités politiques, esthétiques et éthiques de Baltasar Gracian. La lecture de ces textes nous fait voyager dans l'Espagne philosophique, littéraire et religieuse, mais aussi de suivre l'influence de ce jésuite indocile parmi les moralistes français. L'autre publication concerne Spinoza et elle vient de Jonathan Israël qui propose une immense étude sur l'influence de Spinoza en Europe, depuis l'âge d'or du rationalisme classique jusqu'au Siècle des Lumières. Doublement banni, à la fois par la communauté juive et par nombre de philosophes contemporains, Spinoza s'y découvre dans une constellation de penseurs radicaux, encore trop peu connus.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Depuis une vingtaine d'années, les livres de Jacques Rancière se sont imposés comme une des réflexions majeures de la philosophie contemporaine. Sa pensée est étudiée à l'étranger, notamment dans les universités américaines, et cette année un grand colloque s'est tenu à Cerisy-la-Salle réunissant de nombreux chercheurs autour de lui. Mais cette influence demeure malgré tout peu médiatique car les livres de Rancière ne peuvent se résumer à quelques concepts aisément praticables et ils visent davantage à complexifier la donne intellectuelle, à la "contrarier". Rancière a toujours résisté à deux séductions intellectuelles : celle de l'élitisme du philosophe-roi, et celle du paradigme conceptuel découvrant les grandes raisons de l'histoire. Au lieu de dessiner des antithèses frappantes, sa réflexion consiste beaucoup plus à défaire les oppositions sur lesquelles la philosophie construit ordinairement ses démonstrations : il contrarie ainsi les distinctions entre image et récit, entre abstraction et représentation, entre démocratie formelle et révolution totalitaire, à chaque fois pour comprendre comment se sont formés ces réglages et ces redistributions, en art et en politique. Ses derniers livres reprennent la réflexion inaugurée avec La Mésentente sur le gouvernement du peuple et montrent combien l'idée de démocratie demeure subversive, même aux yeux des intellectuels contemporains qui l'accusent désormais de tous les maux. Encore faut-il l'entendre non comme un régime formel, mais en tant que force d'excès et de dissensus : "la démocratie est nue dans son rapport au pouvoir de la richesse comme au pouvoir de la filiation qui vient aujourd'hui le seconder ou le défier. Elle n'est fondée dans aucune nature des choses et garantie par aucune forme institutionnelle. Elle n'est portée par aucune nécessité historique et n'en porte aucune. Elle n'est confiée qu'à la constance de ses propres actes."
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Le passage au XXIe siècle a réactivé les grands discours sur la fin. La philosophie a retrouvé, en France notamment, un ton apocalyptique annonçant le déclin ou formulant un constat de décès des utopies modernes. L'inflation du préfixe post- en témoigne diversement, soit pour conjurer une époque révolue, soit pour marquer une ère nouvelle : nous serions passés au post-identitaire, au post-industriel, au post-colonial, au post-démocratique... Cette annonce tient-elle à un nouvel esprit fin-de-siècle qui n'en finit pas? Cela dit, depuis déjà longtemps, on a proclamé la fin, celle de l'art ou de la métaphysique. S'agit-il alors d'une rhétorique bien rôdée? D'un effet d'annonce? La littérature joue sans doute un rôle singulier dans ce type de prédiction. Elle a régulièrement déclaré sa propre fin, mais elle a aussi dessiné l'avenir et elle a su, mieux que d'autres discours, saisir des temporalités plus complexes que celles de la chronologie historique. Trois théoriciens de la littérature proposent d'analyser ce temps de la littérature : Pierre Bayard William Marx et Lionel Ruffel.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono L'insécurité est un thème récurrent des campagnes électorales et fait régulièrement l'objet de manipulations politiques et médiatiques. Mais la question de la sécurité se pose de manière beaucoup plus profonde dans nos sociétés obsédées par le risque et sa prévention. La représentation d'une violence permanente conduit à la confusion des dangers et des rôles. L'attentat terroriste, la catastrophe naturelle ou les épidémies font partie d'un prisme commun qui entraîne une précaution et une surveillance généralisées, assumées par la participation active de la population. Telle est la pensée sécuritaire qui traverse la médecine, l'écologie, la sexualité, la politique... L'exception y devient la règle, le fichage la pratique dominante, et l'auto-surveillance l'horizon d'une société de vigiles.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Depuis une dizaine d'années, sous le nom de philosophie se multiplient de nombreux discours et usages sociaux. Paradoxalement, alors que la philosophie universitaire s'est de plus en plus repliée sur son histoire, une demande de philosophie se manifeste largement, par les café-philo, des stages d'entreprise, des universités populaires, des éditions de vulgarisation, des bandes dessinées consacrées à des philosophes. Dans ce contexte, plusieurs collections de philosophie pour les enfants sont apparues : PhiloZenfants, Les goûters philo, Chouette penser... Sans doute cette extension est une bonne nouvelle pour le décloisonnement de la philosophie qui n'a pas vocation à demeurer dans l'exégèse. Mais ne risque-t-elle pas de perdre ses vertus critiques et spéculatives, en flirtant avec l'opinion, l'éducation civique ou le moralisme? Et lorsque la philosophie s'adresse aux enfants, quelle idée se fait-elle de l'enfance? Cherche-t-elle à atteindre l'enfantin ouvert à toutes les spéculations imaginaires, ou vise-t-elle à guider le petit ignorant, quitte à devenir elle-même infantile?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierre Perrono Le souvenir des massacres de Srebrenica, perpétrés il y a dix ans, ne peut se résumer à des commémorations. L'extermination planifiée de 8000 Musulmans bosniaques, en 1995, a non seulement sonné le retour de la purification ethnique en plein coeur de l'Europe, mais elle a aussi porté le doute, pour longtemps, sur l'idée d'une communauté européenne. Avec retard, les responsables politiques ont pris conscience de la force symbolique de ce crime de masse. Au-delà de sa charge émotive, l'événement provoque aussi la réflexion philosophique, sociologique et juridique, tant il remet en cause les notions de responsabilité collective et individuelle, la vérité du témoignage, et le rôle de la justice internationale. Car les génocides ne se confondent pas, et Srebrenica n'est pas l'éternel retour du destin barbare des peuples. La présence des tiers (les Casques bleus, les militaires de l'Otan, puis le Tribunal pénal international) a modifié le sens de la neutralité, du droit d'ingérence, des missions de justice et de réconciliation.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La relation entre un médecin et un patient met en jeu une connaissance et un protocole complexes. Les progrès de la médecine ont favorisé une rationalité technique parfois oublieuse de ce qu'est une thérapie. Car le corps souffrant ne se réduit pas à un matériau défectueux à réparer, et le traitement de la maladie n'est pas exactement le traitement d'un malade. Depuis quelques années la décision médicale rencontre une exigence de justification : de la part du patient qui souhaite comprendre et être associé à la décision, de la part de la société aussi qui veut contrôler ses dépenses. La "consultation" change donc de sens et l'on évoque aujourd'hui des contrats, des pactes, des partenariats. Mais cette réévaluation du sujet souffrant face au médecin qui sait repose peut-être sur des illusions : elle transforme le malade en individu consommateur de soins et elle lui fait miroiter un consentement à des décisions qu'il ne comprend pas. La réflexion éthique sur la relation médicale n'est-elle pas alors une imposture qui masque un bouleversement des savoirs et des pouvoirs?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La vie quotidienne est traversée de petits dérèglements passagers ou répétitifs tels que l'oubli du nom de la personne qu'on rencontre, ou la méprise qui nous fait dire un mot pour un autre, ou encore la peur que nous inspirent la foule, le noir ou les araignées. Ces psychopathologies analysées par Freud peuvent devenir plus inquiétantes lorsqu'on ne reconnaît plus du tout le visage de l'autre, ou même le sien dans un miroir, lorsque le dégoût d'une chose se transforme en phobie obsessionnelle. Ces vertiges mettent en cause la stabilité du moi et son identité, comme si une séparation menaçante s'opérait entre soi et soi. L'expérience du dédoublement n'est sans doute pas seulement une pathologie, mais elle permet plus fondamentalement de construire un soi, en le décollant du monde fusionnel de l'enfance ou en le dégageant des rôles figés auxquels il s'est identifié. Comment rendre compte de telles épreuves? A partir de quelle définition de l'inconscient? Aujourd'hui l'éclatement des théories, aussi bien dans le champ de la psychanalyse qu'avec l'apport des sciences cognitives, implique des thérapies divergentes. L'identité du moi en dépend, selon que ces troubles de la personnalité trouvent leur explication dans un dysfonctionnement neuronal, un mauvais positionnement dans la parenté ou une dépersonnalisation incontrôlée.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Il est deux manières d'aller à contre-courant de son temps : d'une part l'attitude réactionnaire qui campe sur une vérité supposée du passé que le présent trahit. D'autre part l'exigence d'un devenir autre que l'immuable cours des choses. Cette résistance à l'évidence ordinaire suppose une attention extrême à l'exception, à ce qui surgit pour rompre l'histoire et produire des sujets. Alain Badiou se tient depuis une quarantaine d'années dans cette requête, envers et contre tout. Philosophe qui n'a pas renié le platonisme, il maintient l'exigence de la vérité, et la fidélité à son processus, alors que les postmodernes l'ont réduite à ses effets. Militant qui n'a pas renoncé à une politique d'émancipation étrangère à tout Etat de droit, il s'inspire autant de la Révolution culturelle que de Saint-Paul. En 1988 paraissait L'Être et l'événement, son livre philosophique majeur et aujourd'hui Logiques des mondes en propose la suite. L'occasion pour nous de revenir sur les quatre registres de l'événement : la mathématique, l'art, l'amour et la politique. Autres références Bibliographiques: Logiques des mondes, Seuil 2006 D'un désastre obscur, L'Aube 1998 Petit manuel d'inesthétique, Seuil 1998 Court traité d'ontologie transitoire, Seuil 1998 Abrégé de métapolitique, Seuil 1998 Saint Paul. La fondation de l'universalisme, PUF 1997 Deleuze, Hachette 1997 Calme bloc ici-bas, POL 1997 Les Citrouilles, Actes Sud 1996 Beckett, l'increvable désir, Hachette 1995 Conditions, Seuil 1992 Le Nombre et les nombres, Seuil 1990 Rhapsodie pour le théâtre, Imprimerie nationale, 1990 Manifeste pour la philosophie, Seuil 1989 Théorie du sujet, Seuil 1982 L'Echarpe rouge, Maspero 1979 Théorie de la contradiction, Maspero 1975 Le Concept de modèle, Maspero 1969
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La République a été un idéal émancipateur. Elle a délivré les individus de leur sujétion à un monarque pour en faire des citoyens membres d'une collectivité régie par le droit. Joue-t-elle encore ce rôle? Le démenti social que lui opposent ceux à qui elle n'a pas fait place la relègue dans l'idéologie. Ne serait-elle à présent qu'un ensemble de valeurs abstraites destinées à masquer les exclusions de fait : à l'école, dans les banlieues, dans la représentation politique et médiatique? Le dévoiement patrimonial de la République a transformé l'idéal en un rappel à l'ordre des autorités et des hiérarchies instituées. Face au désir de reconnaissance, exprimé dans la violence brute ou par la revendication politique, les défenseurs du "modèle" républicain ne cessent de dénoncer son antithèse qu'ils nomment communautarisme, le repli des individus sur leur identité ethnique. Mais ces réactions ne sont-elles pas le produit d'une République volontairement aveugle à la reproduction des inégalités sociales et à son passé colonial. Il est temps de sortir de cette alternative idéologique pour penser autrement la participation à la chose publique, à la lumière des multi appartenances et d'une citoyenneté aussi bien sociale que politique.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Nous avons assurément besoin de normes qui assurent l'équilibre et la continuité de la vie psychique. Elles font partie de nos habitudes et nous finissons par les croire naturelles. Mais parfois une anomalie nous rappelle que les normes résultent de constructions et sont révocables ou ajustables. C'est aussi la fréquentation d'autres usages que les nôtres qui nous conduit à relativiser notre dépendance à l'égard des normes. Car l'homme trop normal, le conformiste, est sans doute un sujet pathologique. Comme le suggérait Canguilhem, il vit dans l'angoisse de devenir un jour ou l'autre anormal. Dès lors il faut interroger sans relâche les effets de la norme : elle institue, elle rassure, elle assujettit et elle stigmatise. Laisse-t-elle une marge de manoeuvre avant de rejeter les pratiques hors-norme? A quelles conditions échappe-t-elle au normatif et à la logique des exclusions entre le normal et l'anormal?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La musique dite contemporaine a produit, tout au long du XXe siècle, des pratiques et des théories inventives qui ont transformé la réflexion esthétique. De manière moins polémique que lors des années 60, la création musicale a investi depuis quelques décennies des domaines conceptuels qui lui sont propres et qui la débordent : le son, la technologie, l'écoute, l'espace... Cependant la prétention à définir, comme Adorno, une philosophie de la nouvelle musique semble dépassée. Et c'est plutôt depuis les pratiques plurielles que surgissent des réflexions inédites sur les archétypes sonores, la spectralité ou les microtemporalités. Au-delà des oppositions très plates entre le tonal et l'atonal, la sérialité et la sensibilité, la question du sens revient en force dans la création musicale.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La ville a été le champ d'expérience de la modernité à la fin du XIXe siècle. Elle a dès lors acquis un statut poétique et philosophique privilégié, tant elle a provoqué un bouleversement des perceptions, des regards et des rythmes. Baudelaire en a montré les foules et les humeurs, Benjamin les passages et les mythologies, et les avant-gardes du XXe siècle en ont fait un laboratoire esthétique et social. Mais aujourd'hui une philosophie de la ville est-elle encore possible, quand on parle moins de quartiers que de territoires, moins de brassages que d'immigration? La mobilité urbaine semble liée aux contraintes économiques, plus qu'aux flâneries des promeneurs. La distribution des espaces, et le démarquage entre centre et périphéries, suscitent les analyses sociologiques davantage que l'invention poétique et philosophique. La ville peut-elle encore susciter l'utopie? Quels sont les modèles urbains qui animent la réflexion philosophique sur l'architecture et l'urbanisme?
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Sous le nom de Pop philosophie, on désigne habituellement l'intérêt théorique porté à des objets vulgaires, populaires, ignorés de la culture académique. Les produits de la consommation de masse ont ainsi fait leur entrée dans les pratiques artistiques et les gloses universitaires au cours des années 60. Lorsque le philosophe contemporain Slavoj Zizek disserte à partir de films grand public, de calembours ou de friandises pour les enfants, il semble participer d'une telle popularisation. Et pourtant ses provocations visent tout le contraire d'une adaptation aux flux de la culture capitaliste. Philosophe au marteau, Zizek prend à revers toutes les évidences de la bien-pensance occidentale. Dénonçant le respect convenu des goûts et des différences, il nous invite à une généalogie critique de la religion et de la culture, et il rappelle la pensée à sa confrontation avec le réel. Complément bibliographique: *Les plus sublime des hystériques * , Point hors ligne 1988 Ils ne savent pas ce qu'ils font , Point hors ligne 1990 L'intraitable , Economica 1993 Essai sur Schelling , L'Harmattan 1997 Subversions du sujet , Presses universitaires de Rennes 1999 Le spectre rôde toujours , Nautilus 2002
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Jamais on ne parle autant du lien social que lorsqu'il se délite. La crise du modèle d'intégration républicain fait ainsi resurgir la réflexion sur l'adhésion partagée à un ensemble commun. Comment retisser du lien? se demandent les acteurs sociaux. Mais le sentiment d'appartenance est-il affaire de volonté? Les philosophes ont interrogé l'articulation entre le je et le nous, et cherchent à penser un "vivre ensemble" compatible avec les libertés de ses membres. Les sociologues observent cependant que le lien n'est pas forcément vécu comme un contrat entre des individus libres, et combien la cohésion semble de moins en moins assurée par les institutions politiques. La pluralité des liens qu'on observe aujourd'hui relève sans doute d'une nouvelle approche de la souveraineté, celle des Etats ou celle du moi. Elle doit conduire à sortir du débat récurrent sur les fractures sociales, sur l'alternative entre l'individualisme et les replis communautaires, entre le moi seul et le nous-mêmes. L'étude du lien social suppose une attention plus fine aux formations précaires de solidarités, utopiques ou chaotiques, aux "nous autres" qui s'élaborent dans la fête ou dans la lutte.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono "Julia Kristeva change la place des choses : elle détruit toujours le dernier préjugé, celui dont on croyait pouvoir se rassurer et s'enorgueillir ; ce qu'elle déplace, c'est le déjà-dit, c'est-à-dire l'insignifiance du signifié, c'est-à-dire la bêtise ; ce qu'elle subvertit c'est l'autorité, celle de la science monologique, de la filiation. (...) [elle] nous apprend à travailler dans la différence, c'est-à-dire par-dessus les différences au nom de quoi on nous interdit de faire germer ensemble l'écriture et la science, l'Histoire et la forme, la science des signes et la destruction du signe : ce sont toutes ces belles antithèses, confortables, conformistes, obstinées et suffisantes, que le travail de Julia Kristeva prend en écharpe, balafrant notre jeune science sémiotique d'un trait étranger." Ces mots écrits par Roland Barthes en 1970 décrivaient le début d'une traversée qui comporte désormais une trentaine de livres dont le plus récent, La Haine et le pardon, rassemble les réflexions de Julia Kristeva : la productivité du langage, les pouvoirs et les limites de la psychanalyse, le roman du sujet, la singularité féminine, la politique de la vulnérabilité.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La philosophie a régulièrement disserté sur le langage, de Platon à Rousseau, jusqu'au moment où un grammairien suisse, Ferdinand de Saussure, entreprit d'étudier la langue "en elle-même et pour elle-même". Les distinctions qu'il a établies et les problèmes qu'il a soulevés ont permis non seulement de fonder la linguistique mais aussi de renouveler la réflexion philosophique. Après lui, toute pensée devait passer par une théorie des signes. L'étude systématique des formes langagières a ainsi fourni des modèles épistémologiques à de nombreux discours théoriques : la sociologie, l'anthropologie, la psychanalyse, l'économie, les théories de la connaissance... le structuralisme a marqué l'apogée de cette référence maîtresse à la sémiologie. Mais le véritable apport de Saussure n'est-il pas masqué par cet héritage qui en fait le fondateur d'une science? N'a-t-il pas introduit plus de doutes que de certitudes? Depuis quelques années des linguistes et des philosophes relisent le fameux Cours de Linguistique Générale qu'il n'a jamais écrit. L' objectivisme de la linguistique saussurienne a peut-être été surévalué, creusant un fossé avec une autre philosophie du langage, celle issue du courant analytique.
Par François Noudelmann Réalisation: Dominique Briffaut Quel sens a le mot de philosophie au Japon et peut-on parler de philosophie japonaise? Les études de plus en plus nombreuses consacrées à l'école de Kyoto et aux philosophes du néant ont permis de découvrir un courant de pensée original. Des auteurs tels que Nishida, Watsuji et Nishitani ont non seulement dialogué avec la phénoménologie occidentale, mais ils ont aussi forgé leur propre réflexion. Le mot de philosophie, importé à la fin du XIXe siècle au Japon peut être trompeur car il conduit à lire ces penseurs à travers la tradition européenne. Le lecteur occidental a vite fait de ramener leur notion à des concepts familiers; mais le lieu n'est pas l'étendue, l'éveil à soi ne renvoie pas à la conscience, la vacuité du monde ne se réduit pas à la négativité. Est-ce une affaire de traduction ou y a-t-il là un profond malentendu? Et pourtant on passerait à côté de cette richesse philosophique en l'enfermant dans l'étrangeté d'une sagesse orientale.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Depuis son livre sur les photographies d'hystériques à la Salpêtrière, paru en 1982, jusqu'à son récent ouvrage sur Brecht, Georges Didi-Huberman n'a cessé d'interroger les images, que ce soient des tableaux ou des documents historiques. En une trentaine de livres il a profondément modifié le statut des objets imaginaires au point que l'histoire de l'art et même la philosophie doivent avec lui repenser des notions aussi familières que celles d'imagination, de ressemblance ou d'incarnation. Après avoir commenté aussi bien Fra Angelico que de nombreux artistes contemporains, Georges Didi-Huberman mène une réflexion sur la relation des images à leur époque et plus particulièrement à la guerre. Car l'image ne relève pas seulement de l'espace elle compose aussi avec le temps. Peut-on connaître l'histoire par les images, malgré le discrédit qui les touche? C'est dans leur dispositif visuel que se trouve la réponse à la fois esthétique et politique.
Par François Noudelmann Réalisation: Dominique Costa Montaigne fut à la fois un philosophe, un écrivain et un homme politique. On évoque souvent la retraite de Montaigne dans sa célèbre bibliothèque pour écrire les Essais et dialoguer avec les Anciens plutôt qu'avec ses contemporains. Mais c'est oublier qu'après avoir été conseiller parlementaire, il continua de voyager en Europe, assura des missions diplomatiques et qu'il revint aux affaires publiques en devenant maire de Bordeaux pendant deux magistratures. S'il déclara que "le Maire et Montaigne ont toujours été deux", il n'empêche que cette expérience politique a nourri la réflexion des Essais sur la justice, les guerres ou la vanité du pouvoir. Pour autant, existe-t-il une politique de Montaigne? Son pragmatisme et sa prudence l'ont parfois fait passer pour un conservateur. Méfiant à l'égard des modèles politiques idéaux, il préférait la métaphore du sac où chacun trouve sa place, même si la forme générale n'est pas d'une géométrie parfaite. Comment penser cet engagement prudent et limité d'un penseur dans la chose publique? La question ne concerne pas seulement la personnalité de Montaigne, elle implique toute une conception du réglage entre d'une part les activités singulières d'un moi labile, fluctuant, et d'autre part une conscience inquiète et responsable de la condition humaine. La politique de Montaigne loge ainsi dans cette balance instable, cette négociation d'une convenance incertaine et révocable.
Par François Noudelmann Réalisation:Clotilde Pivin Paul, l'apôtre, le saint, Saül de son nom juif, converti au christianisme, trouve aujourd'hui une actualité au-delà des Eglises. Plusieurs philosophes voient en lui le modèle d'une rénovation politique, le messager d'une émancipation, l'inventeur de l'universalisme. D'autres au contraire y décèlent le fossoyeur de l'histoire juive, voire le précurseur d'Auschwitz. Comment Paul en est-il venu à symboliser tant de contradictions politiques? Le désir révolutionnaire n'a sans doute pas disparu; et s'il ne peut plus se référer aux grandes figures du communisme, il trouve dans la communauté négative du "ni Juif ni Grec" une sorte de relève. Mais à quel prix s'exerce cette reprise laïque de la fondation chrétienne. Le chemin de Damas de cette gauche radicale n'est-il pas la version pauvre et désenchantée de l'universalisme?
Par François Noudelmann Réalisation: Françoise Camar Le spinozisme a-t-il envahi la pensée contemporaine? De plus en plus de théoriciens font référence à la philosophie de Spinoza, dans des domaines aussi divers que les sciences sociales, la neurobiologie, la psychologie ou la politique. Il ne s'agit pourtant pas d'une référence déclarée à un maître penseur mais d'une poursuite de ses propositions qui, loin d'être closes sur leur système, s'appliquent ou s'effectuent sur plusieurs plans. La radicalité de Spinoza se manifeste autant par son ontologie, et l'assimilation de Dieu à la nature, que par sa politique, et la définition d'un pouvoir constituant des individus. De là vient en partie son attrait : il permet de penser l'action humaine à partir d'un désir d'accroissement du corps et de l'esprit. Et il donne à comprendre la vraie politique : non pas une science des institutions représentatives mais une véritable expression démocratique, faite d'affirmation et de résistance, de connaissance et de joie.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Il y a ceux qui parlent et ceux qui ne parlent pas, et aussi ceux qui parlent mal. La maîtrise du langage conditionne et reflète la répartition des places et des fonctions sociales. Comment dès lors une démocratie permet-elle un accès égal aux mots de la culture? Les nostalgiques d'une école prétendument égalitaire prônent le retour à un enseignement qui transmette des références et des valeurs patrimoniales. Mais l'égalité langagière se donne peut-être moins qu'elle ne se conquiert, et elle implique sans doute des accès très divers et des usages impropres de la langue. De nombreux écrivains consacrés n'ont-ils pas eux-mêmes tordu la langue officielle et contesté les hiérarchies morales et formelles? Ils ne l'ont pas nécessairement fait au nom d'une révolution sociale. La démocratisation du langage suppose plutôt de repenser ce que signifient parler, lire et écrire. Elle se découvre dans les manières imprévisibles de s'approprier les mots et les sens.
Par François Noudelmann
Par François Noudelmann Réalisation:Françoise Camar La philosophie ne se définit pas selon des nationalités, mais les lieux conditionnent son exercice. Ainsi la situation de la philosophie en France diffère de celle d'autres pays européens ou d'autres continents. Encadrée par des institutions, elle obéit à des règles de légitimation et à des rites de passage. Cependant elle leur échappe aussi par des pratiques anti-institutionnelles ou des usages sociaux non académiques. Du côté subversif, certains penseurs ont trouvé leur audience hors de l'université ou à l'étranger. Du côté généraliste, plusieurs philosophes rencontrent un succès croissant dans les médias de grand public. Comment dresser la carte de la philosophie en France? Les philosophes sont-ils les mieux placés pour le faire ou les sociologues ont-ils plus d'objectivité pour cerner une activité aussi protéiforme.
par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La question de la connaissance est une des plus anciennes de la philosophie. De la formule socratique "tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien" à l'ambition philosophique d'éclairer le monde en luttant contre l'ignorance, la connaissance fonde un enjeu tant pour l'esprit que pour l'action humaine. Mais est-il encore possible de parler d'une manière aussi générale quand la multiplication des objets de savoir et des méthodes nous renvoie à nos propres limites? Le déclin de l'idéal encyclopédique nous reconduit vers des questions élémentaires : que sont une croyance, une conviction, une certitude? La raison nous aide-t-elle davantage que le sens commun? Comment savoir si nous avons des mains ou si nous sommes qui nous sommes? Ces interrogations classiques apparaissent sous un jour nouveau selon les approches philosophiques contemporaines.
Par François Noudelmann Réalisation: Dominique Costa Avec: Myriam Revault d'Allonnes pour La réforme de la santé aux Etats-Unis et son commentaire dans la presse française et Martin Rueff : La popularité de Silvio Berlusconi depuis son agression
Par François Noudelmann Réalisation: Daniel Finot Jusqu'à son arrivée au pouvoir en 1981, la gauche française affichait clairement ses références théoriques. Elle s'inspirait de Marx ou de Bakounine, elle prenait son inspiration chez Marcuse ou Sartre, elle déclinait son socialisme en versions réformistes ou révolutionnaires. Le désarroi politique dans lequel elle se trouve aujourd'hui, après l'installation d'une droite déclarée, va de pair avec une incertitude théorique. La gauche ne se définirait-elle plus que par son activité critique? Elle a renoncé aux grands mythes eschatologiques et n'espère plus l'avenir radieux du prolétariat. Mais le renoncement à une philosophie progressiste a-t-il fait disparaître l'espoir d'une société juste et solidaire? Certains penseurs, à l'écart des appareils et de la scène intellectuelle, ont poursuivi une réflexion philosophique sur le travail, l'environnement, les minorités. Ils ont converti les anciens concepts marxistes sans renoncer à un idéal d'émancipation. Ils pourraient éclairer la caverne de la gauche actuelle.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin En France le libéralisme a mauvaise réputation car il est associé au règne des intérêts marchands. L'antilibéralisme a remplacé l'anticapitalisme et il dénonce l'abus du mot de liberté restreint au choix des consommateurs. Pour autant le libéralisme ne se limite pas à une doctrine économique et il relève d'une longue tradition de pensée philosophique et politique fondée sur des idées de tolérance et de justice. Faut-il alors distinguer entre les libéralismes, l'économique ou le politique, le moral ou le libertaire? La diversité des penseurs libéraux montre qu'il n'y a pas une théorie unique du libéralisme. Cependant leur souci commun de la liberté rayonne sur toute une série de questions actuelles : qu'est-ce que l'autonomie, celle du marché, de l'individu ou des universités? Existe-t-il aujourd'hui une troisième voie politique au-delà de l'étatisme et de la dérégulation économique?
Par François Noudelmann
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono "Les véritables philosophes grecs sont les Présocratiques (avec Socrate quelque chose change). Ce sont tous des personnages distingués, qui vivent à l'écart du peuple et des usages, mûris, graves jusqu'à l'hypocondrie, le regard lent, nullement étrangers aux choses de la politique ou de la diplomatie. Ils découvrent avant les sages toutes les grandes conceptions, ils se réduisent eux-mêmes en systèmes. Rien ne donne une idée plus haute de l'esprit grec que ce soudain foisonnement des types, cette façon involontaire de construire au complet toutes les possibilités de l'idéal philosophique." Ces propos de Nietzsche sont déroutants pour ceux qui ont appris que la philosophie commençait avec Socrate. Mais les Présocratiques forment-ils un ensemble homogène ou cette désignation n'est-elle qu'une construction destinée à réévaluer une coupure historique et épistémologique? Quel changement s'est d'ailleurs vraiment produit avec Socrate? Une rupture, une mutation, l'adoption d'un autre style ou d'une autre rationalité? Cette question engage toute la définition de la philosophie à partir de ce qu'elle rejette dans le non- ou le pré-philosophique.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin "Il est impossible d'étudier la réalité humaine sans se heurter tôt ou tard au phénomène du Droit", observait Kojève en 1943. Le philosophe hégélien souhaitait dépasser l'approche juridique des normes pour découvrir comment le Droit participe rationnellement à la genèse de l'humanité. L'évolution du droit depuis la Seconde guerre mondiale montre que cet absolu laisse plutôt place à une extension illimitée du juridique dans toutes les sphères de la société. La définition de nouveaux droits et de nouvelles qualifications, et la régulation des institutions politiques par des instances juridiques ont démultiplié les sujets et les compétences. Pour autant cet interventionnisme du droit obéit-il à une raison purement juridique et systématique? N'est-il pas agi par des logiques hétérogènes et plurielles, morales ou économiques? Et la raison du droit ne recourt-elle pas à de l'imaginaire pour construire la fable d'un monde juste et équilibré?
Par Fraçois Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Au nom de Castoriadis est associé celui d'un groupe de réflexion politique, Socialisme et Barbarie, qui a incarné en France une gauche anti-stalinienne. Cornelius Castoriadis est aussi un philosophe d'origine grecque dont la théorie de l'imaginaire social s'est opposée au marxisme dogmatique. Sa pensée de l'auto-institution de la société a redonné sa place à la subjectivité, à l'imagination et à la création. Ses critiques sont d'une étonnante actualité, à la fois contre la prétendue rationalité du capitalisme et contre le déterminisme marxiste. Elles semblent rappeler à la gauche défaillante des notions qu'elle a négligées : l'autonomie, la liberté, l'invention. Castoriadis ne fut pas seulement un penseur politique et les récentes publications de textes inédits montrent son intérêt pour la création poétique, la science et la psychanalyse. Pour ce philosophe curieux de toutes les failles, penser ne consiste pas à sortir de la caverne mais plutôt à entrer dans un labyrinthe.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Il est difficile de cerner le philosophe napolitain Giambattista Vico : soit on insiste sur la grande originalité de ce penseur qui écrivit au XVIIIe siècle une science nouvelle, peu comprise par ses contemporains, jugée obscure et compliquée. Soit on le considère comme un précurseur des philosophes de l'histoire, de Herder, Hegel ou Michelet. Il conçut pourtant un projet cohérent et clair en voulant définir la nature commune des nations. A la fois historien, philologue et philosophe, il eut recours autant à la raison qu'à l'expérience pour démêler ce qui revient aux hommes et à la Providence dans le cours des choses. Alors, si on enlève à Vico toutes les étiquettes qui ont permis jusqu'à présent de le lire comme hégélien, marxiste, existentialiste, catholique, positiviste ou réactionnaire, que reste-t-il de son oeuvre, de ses idées sur l'histoire et la politique des nations?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Le philosophe états-unien Arthur Danto est non seulement l'un des plus importants théoriciens de l'art mais aussi un critique influent qui publie ses chroniques dans The Nation. Après une formation à la pensée analytique, la découverte des oeuvres d'Andy Warhol, dans les années 60, a décidé de son intérêt pour une esthétique postmoderne. Selon lui les grands récits de l'art, celui de la représentation et celui du modernisme, ont pris fin pour laisser place à un pluralisme maximal où l'interprétation décide du statut artistique des objets les plus banals. Un tel tournant, post-historique, ne laisse pas indemne le sens de la philosophie : contre le discours esthétique, mais aussi contre le relativisme culturel, le philosophe trouve une nouvelle légitimité à vouloir comprendre la transfiguration du présent par l'activité artistique. Oeuvres traduites en français: La Transfiguration du banal, Seuil 1989 L'assujettissement philosophique de l'art, Seuil 1993 Après la fin de l'art, Seuil 1996 L'art contemporain et la clôture de l'histoire, Seuil 2000 La Madone du futur, Seuil 2003
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Françoise Héritier est une référence majeure pour l'anthropologie et elle inspire aussi la philosophie par ses réflexions sur la parenté, le corps et sur la différence sexuelle. Fidèle au structuralisme elle étudie à la fois les invariants fondamentaux des comportements humains, leurs différences et leurs transformations. Celle qu'on présente comme la principale disciple de Claude Lévi-Strauss a forgé sa propre pensée en développant une anthropologie symbolique du corps, avec ses affects et ses humeurs, ses combinaisons et ses interdits. Parmi ses chantiers théoriques, la déconstruction des relations entre masculin et féminin permet d'éclairer les nombreuses échelles de valeurs liées à la répartition des sexes et à leurs hiérarchies. Françoise Héritier est une intellectuelle qui ne se contente pas d'analyser les structures sociales, elle engage son savoir dans les grandes questions du monde contemporain, celles des revendications d'égalité, des nouvelles filiations, des utopies scientifiques, et des différends culturels.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin On retient généralement des philosophes leurs inventions théoriques, mais ils sont avant tout de grands lecteurs. Ainsi de Giorgio Agamben qui nourrit ses analyses du monde contemporain par des commentaires sur les Pères de l'Eglise ou le droit romain. Aucune nostalgie pour la tradition dans ce retour aux sources : Agamben conçoit plutôt la philosophie comme une archéologie qui repère des points de surgissement et qui trace des continuités différentes de celles que nous enseignent l'historiographie ou la science politique. Du coup les évidences vacillent, lorsque notre confiance dans la liberté démocratique se trouve confrontée à une lecture qui, au contraire, met en relief l'assujettissement progressif des individus. Ce qui nous apparaissait comme des exceptions - les camps de concentration, l'épuration ethnique - devient la règle de fonctionnement des politiques occidentales. Les généalogies tracées par Giorgio Agamben nous invitent à repenser radicalement ce qu'est un gouvernement, comment fonctionne le consentement politique et quelles sont les alternatives à politisation de la vie. Bibliographie: Stanze, Christian Bourgois, 1981 Enfance et histoire, Payot, 1989 Le Langage et la mort, Christian Bourgois, 1991 Idée de la prose, Christian Bourgois, 1988 La Communauté qui vient, Seuil, 1990 Moyens sans fins, Payot & Rivages, 1995 Bartleby ou la création, Circé, 1995 L'homme sans contenu, Circé, 1996 Homo sacer I. Le pouvoir souverain et la vie nue, Seuil, 1997 Homo sacer III. Ce qui reste d'Auschwitz, Payot & Rivages, 1999 Le Temps qui reste, Payot & Rivages, 2000 La Fin du poème, Circé, 2002 Homo Sacer II. Etat d'exception, Seuil, 2003
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La mot de postcolonial, en France, évoque de manière encore approximative une période historique, un corpus de textes, ou le refoulé colonial de la mémoire collective. Depuis déjà une vingtaine d'années, la notion connaît un succès universitaire international, et désigne plus précisément une approche des savoirs, et même une théorie dont les champs d'applications sont aussi bien philosophiques, esthétiques et politiques. Homi Bhabha est l'un des fondateurs de cette théorie et la parution de The location of culture, en 1994, a considérablement modifié la pensée sur les identités culturelles et la politique des différences. La traduction française de ce livre vient à point nommé pour rendre à la fois plus complexes et plus claires les questions liées aux identifications communautaires et nationales. Homi Bhabha, professeur à l'université de Harvard, bouleverse les oppositions simplistes sur les appartenances et, au-delà, il propose une réflexion sur les modes de subjectivation dans la pluralité temporelle et spatiale du monde globalisé.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Existe-t-il une vie intellectuelle en France? se demandait Jean-Claude Milner il y a quelques années. Assurément il en existe une grâce à lui dont les livres provoquent souvent des séismes philosophiques et politiques. Depuis la parution des Penchants criminels de l'Europe démocratique, bien des noms propres ou communs ont été redistribués sur la scène théorique : révolution, universalisme, judaïsme, savoir... prennent un tour nouveau une fois soumis au décryptage du linguiste philosophe. Les généalogies proposées par Jean-Claude Milner reconfigurent radicalement les cartographies de la pensée : brusquement tout s'éclaire, la langue, les idées s'ordonnent différemment. Cette logique a la beauté du cristal, on ne peut la rayer, mais elle nous éblouit peut-être au risque d'accepter des conclusions que seule la construction a permises. Son dernier livre, L'Arrogance du présent, vient clore un triptyque, il revient sur le moment du gauchisme français, sur une décennie forte où s'est joué l'avenir de la pensée, jusqu'à ses discordes actuelles.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Philosophe, Jean-Luc Nancy l'est en de nombreux sens. Il a enseigné la philosophie à l'université de Strasbourg, à Berlin et dans plusieurs universités américaines. Il a écrit plus de 70 livres consacrés en partie à l'histoire de la philosophie : il ne cesse de relire Nietzsche, Heidegger et Derrida mais n'oublie ni Descartes ni Kant. Il s'intéresse aussi à des objets insolites : du mythe nazi à la danse contemporaine, de la déconstruction du christianisme aux seins des femmes, du sens de la poésie à celui de la démocratie. Autour de Jean-Luc Nancy s'est créée une communauté de pensée, ou plutôt "avec" lui qui a précisément interrogé la notion de "commun". Philosophe toujours, il ne cesse de réinventer le sens de la philosophie comme une pesée, de réévaluer le poids du sens, d'approcher le monde sans prétendre le saisir. Sa pensée est dérobée, ouverte, inquiète, inappropriable, mais elle touche au plus près la peau des choses.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Michel Deguy incarne une élégance française, par sa façon de manier le verbe haut, sans concession au babil branché, par l'acuité de sa pensée qui excite les ressources spéculatives du langage, par cette lucidité qui flirte avec le désespoir mais qui fuit la lourde mélancolie. Français comme le sont Couperin, Marivaux ou Proust, mais pas national, car ce grand voyageur est aussi un passeur du temps qui recueille sans sa revue les dires poétiques de tous les pays où il vagabonde. Michel Deguy est poète, philosophe, les deux ou ni l'un ni l'autre tout à fait. Hölderlin et Heidegger mêlés, poursuivant avec Derrida le tracé d'une parole absentée. Il écrit des "poèmes en pensée", à contre-courant il affirme la raison poétique et proclame sa réouverture après travaux. Le croirait-on d'une autre époque on se tromperait : il est un des intellectuels les plus attentifs au monde présent, jusque dans ses détails, depuis les couloirs de bus jusqu'aux panneaux publicitaires. Semblable à Baudelaire, il sait conjuguer l'inactuel et l'extrême contemporain
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Il est des philosophes tonitruants qui débattent sur l'état du monde, il en est de plus discrets dont la pensée ouvre sur d'autres mondes possibles. Miguel Abensour fait partie des seconds. Penseur du politique, éditeur, universitaire, il poursuit une réflexion sur les formes de la domination et sur le désir de liberté. Anti-totalitaire avant que cela ne devienne une doxa, il ne s'est pas résigné pour autant à la nécessité du capitalisme. Mais quand d'autres reviennent à Marx ou Hegel, lui relit Machiavel, Saint-Just et Levinas. A soixante-dix ans et malgré le retour du conformisme politique, Miguel Abensour tient toujours le cap d'une pensée de l'émancipation; il préfère l'utopie au réalisme, et accorde plus de crédit aux rêveurs qu'aux cyniques.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Lorsqu'il cherchait à définir la liberté humaine, Descartes distinguait ce qui dépend de nous et ce qui nous échappe. Le domaine de pensée et d'action sur lequel nous avons prise permet à chacun d'assumer pleinement sa part de liberté. L'homme généreux, noble et vertueux, sait que la libre disposition de ses volontés lui appartient en propre. Elle est la condition même de sa responsabilité. Les débats d'aujourd'hui sur l'autonomie des individus retrouvent, sous de nouveaux langages, l'opposition entre les déterminismes et le libre arbitre. Les neurosciences, par exemple, montrent que l'activité cérébrale surdétermine les choix conscients. Plus généralement, la connaissance de plus en plus fine des dépendances, biologiques et sociales, appelle une nouvelle définition des sujets responsables.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Rousseau est un auteur familier de la culture scolaire : nous gardons en mémoire quelques formules issues de ses Discours ou du Contrat social , quelques phrases des Rêveries ou des Confessions , quelques scènes de la Nouvelle Héloïse . Les historiens de la philosophie l'ont identifié comme le penseur de l'âme sensible, du sujet vertueux ou de la volonté générale. D'autres ont tenté de contester ou de déconstruire ses conceptions de la nature, du langage ou du spectacle. Cependant Rousseau reste peut-être mal connu tant sa pensée témoigne d'une invention conceptuelle complexe et d'une écriture qui multiplie les registres. Pour comprendre ses idées, il faut sans doute revenir à leur fabrique, et surtout à son approche du semblable et de la représentation qui explique à la fois ses choix d'écrivain et sa réflexion politique.
Par François Noudelmann Réalisation: Marie-Christine Clauzet Avec Catherine Malabou, à propos de la notion d'épidémie -Pierre Lauret traitera du thème de la délationle thème de la délation Robert Harvey lui, s'interrogera sur la réforme de la santé aux Etats Unis
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono De Kierkegaard on retient couramment les notions d'existence, d'angoisse, de subjectivité, on le présente comme l'opposant au système hégélien, mais aussi comme un chrétien tourmenté, ou un amoureux indécis. Difficilement classable dans l'histoire de la philosophie, on lui attribue pourtant la paternité de l'existentialisme, et de fait beaucoup l'ont commenté, de Jaspers, Lukacs, Adorno à Gabriel Marcel, Jean Wahl et Sartre. Mais il échappe sans cesse à tout portrait définitif, tant son écriture défie l'objectivation. Par l'usage du pseudonyme et le recours à des fictions, Kierkegaard déroute le régime discursif de la philosophie. Certes il construit des concepts, mais sa manière de s'adresser au lecteur et d'assumer la singularité d'une pensée en première personne modifie profondément le statut et l'adresse de la philosophie. Aller vers le concret, comme l'ont revendiqué les kierkegaardiens, cela exige aussi d'observer concrètement les chemins tortueux d'un penseur singulier.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono La situation de Hegel dans la philosophie contemporaine est ambivalente : d'un côté il est admiré pour avoir porté au plus loin la pensée de l'Idée et l'esprit de système. De l'autre, il est un repoussoir qui symbolise la rationalisation totale de l'histoire humaine. Notre époque post-totalitaire n'accepte plus cette dialectisation qui donne le fin mot de tous les savoirs et de toutes les activités. Dans le sillage de Nietzsche ou de Kierkegaard, les postmodernes se sont même proclamés anti-hégéliens. Pourtant la dette semble beaucoup plus profonde que ne le laissent croire ces déclarations. On sait l'importance du séminaire que proposa Kojève, dans les années 30, sur La phénoménologie de l'esprit et qui influença notamment Bataille, Lacan, Aron et indirectement Sartre. Mais les récentes lectures et traductions de Hegel lui sont sans doute plus fidèles. Grâce à elles se dessine un spectre large de penseurs qui continuent de s'expliquer avec le philosophe de la totalité. Alors, peut-on être hégélien ou post-hégélien sans Hegel? A moins qu'il ne faille relire Hegel lui-même et le débarrasser d'un certain nombre d'idées reçues.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Schopenhauer est le philosophe d'une oeuvre, Le Monde comme volonté et comme représentation, écrite à 30 ans et qui contient déjà toute sa pensée. Elle connut très peu de succès et elle reste encore marginalisée dans l'histoire de la philosophie. A l'écart de l'histoire et des théories de l'histoire, Schopenhauer est lu par des penseurs inactuels, comme Nietzsche ou plus récemment Clément Rosset, davantage intéressés par la lucidité de l'homme seul que par le progrès des masses. Pourtant les suppléments qu'il donna à son oeuvre le firent découvrir à un large public et contribuèrent à sa gloire tardive. Les Parerga et Paralipomena regroupent un ensemble très volumineux de textes qui viennent d'être traduits intégralement en français. Ils offrent des réflexions très diverses du philosophe sur les prêtres, les universitaires, les femmes, le suicide, la pensée asiatique, le vacarme et bien d'autres sujets non conventionnels.
Par François Noudelmann Réalisation: Françoise Camar Les philosophes ont souvent tourné autour du théâtre. Comme spectateurs dépris de toute illusion, ils ont voulu donner la vérité de la tragédie, le genre le plus noble à leurs yeux clairvoyants. Comme auteurs ils se sont parfois risqués au théâtre d'idées pour tenter d'y incarner leurs abstractions. Comme personnages ils ont fourni à quelques dramaturges des bribes de légendes, sérieuses ou dérisoires. Mais la philosophie au théâtre n'a pas forcément besoin de philosophes. Et le temps n'est sans doute plus aux grands conflits métaphysiques entre le destin et la liberté, l'ordre et la démesure, la loi divine et la justice humaine. La destitution des grandes idoles qui organisaient la représentation a ramené le questionnement philosophique au niveau élémentaire de la scène : que peut dire un corps? Quel langage sait encore nommer le monde? Comment une parole exprime-t-elle de l'un ou du multiple?
Par François Noudelmann Réalisation:Clotilde Pivin A notre époque si préoccupée de patrimoine et de généalogie, il peut être utile de réfléchir sur ce qu'est la mémoire collective. On la définit comme un passé qui nous donne une identité, on fait même un devoir de la cultiver. Mais cette mémoire n'est pas forcément réductible à des faits, des lieux, des énoncés. La manière de dire, de représenter, de transmettre le passé est aussi déterminante que son contenu. Pour mieux le comprendre, un déplacement vers les cultures sans écriture permet d'approcher les pratiques visuelles et sonores qui assurent le passage d'une tradition. Ce détour nous fait découvrir comment toute culture combine des représentations multiples du temps. La mémoire ne suit pas un cours unifié, elle se construit même sur les ruines de cette prétention à retracer la vérité des origines.
Par François Noudelmann Réalisation: Pierrette Perrono Il est rare qu'un philosophe devienne un identifiant national comme Descartes pour les Français. Mais le mot "cartésien" est très polysémique, employé pour des significations parfois opposées. Assurément il a permis la construction de paradigmes qui structurent encore les débats intellectuels du pays : moderne vs antimoderne, raison vs foi, logique abstraite vs expérience sensible... L'appropriation de Descartes, philosophique ou idéologique, masque la pluralité interne d'une oeuvre qui ne se donne pas en système mais selon des moments, alternant les études métaphysiques et scientifiques, les rêves et les méditations. Lire Descartes aujourd'hui ne consiste peut-être plus à rendre raison globalement de sa pensée mais à chercher, sous le rationalisme, une rationalité plurivoque. Un autre Descartes s'y découvre, accordant plus de crédit à l'imagination qu'il ne l'écrit, et galopant parmi les champs de réflexion comme sur les terres étrangères à son pays natal.
Par François Noudelmann Réalisation: Laetitia Coïa Un consensus s'était peu à peu établi pour penser que l'économie constitue une science comme la physique et qu'elle fonde la vie sociale. Qu'on soit libéral ou pas, on s'est rangé à l'idée que les sociétés sont gouvernées par la logique des intérêts. La science décrypte leurs lois, la politique les contrôle ou les gère. Mais le délire imprévu des marchés spéculatifs qui mène aujourd'hui le monde à la faillite remet en cause ces modèles de savoir et de société. La raison économique sombre dans l'irrationalité et il faut désormais découvrir ou inventer d'autres raisons pour l'action humaine. L'homme intéressé, en concurrence avec les autres, déterminé par son désir d'accroissement matériel, ne résume peut-être pas définitivement l'humanité. Il ne s'agit pas seulement d'une préférence adaptative qui nous conduirait à valoriser, sous la contrainte, des comportements alternatifs. Il y va, plus radicalement, d'une autre philosophie de l'économie humaine.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Après les grands désastres humains du XXe siècle, avec la participation de la culture et de la rationalité, la notion de morale a été remise en cause. Fallait-il encore fonder des valeurs ou devait-on se contenter d'un vernis moral sur une nature brutale de l'humain? La question revient régulièrement mais se pose de façon nouvelle depuis la déconstruction de l'humanisme. Faute d'asseoir un comportement moral sur une spécificité métaphysique de l'être humain, il est nécessaire d'inventer ou d'élargir la notion de morale. Une approche anthropologique des comportements moraux s'est substituée au sujet de la morale kantienne. C'est dans l'action et à l'épreuve du chaos que s'élabore une attitude éthique imprévisible. Le progrès des connaissances scientifiques sur l'activité humaine et plus largement sur le vivant, conduit à repenser entièrement le sens de la morale.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin En 1855, la parution du livre "La Fin du monde par la science" connut un grand succès. L'auteur, Eugène Huzar, y annonçait de grands périls pour la planète, tels que le changement de climat ou la stérilisation de la terre. Contre la révolution industrielle, il proposait une philosophie catastrophiste du progrès technologique. Huzar définissait, avant l'heure, un principe de précaution et suggérait un gouvernement planétaire qui veillerait à l'équilibre de la nature. Etait-il un visionnaire ou un prophète de malheur comme il en existe régulièrement au tournant des millénaires? De très nombreux livres viennent de paraître qui annoncent la catastrophe. De quels désastres s'agit-il? Cataclysmes naturels, guerres humaines ou destructions technologiques. Mais surtout, que signifie exactement le recours à ce mot de catastrophe? Vise-t-il à mobiliser les foules en provoquant la peur, permet-il de légitimer un contrôle de plus en plus liberticide, ou exprime-t-il une fascination morbide pour l'accident? Bibliographie complémentaire: -Eugène Huzar, La Fin du monde par la science, éditions Ère 2008 -Jean-Pierre Dupuy, La Marque du sacré, éd. Carnets nord, 2008 -René Riesel et Jaime Semprun, Catastrophismes, administration du désastre et soumission durable, éd. de l'Encyclopédie des Nuisances, 2008 -Günther Anders, Hiroshima est partout, Seuil 2008 -François Walter, Catastrophes, une histoire culturelle XVIe-XXIe siècle, Seuil 2008 Musique: "Le dimanche à Tchernobyl" d'Alain Bashung
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Voltaire était-il trop écrivain pour être philosophe? Trop libéral pour devenir un guide? Trop ironique pour être aimé? La renommée de Voltaire, pourtant si fameuse, reste ambivalente. Ses engagements contre l'injustice et pour la tolérance en ont fait un précurseur des grandes figures intellectuelles, de Hugo à Sartre. Et son nom ressurgit dès que la tyrannie religieuse étouffe la liberté d'expression. Mais son goût du commerce et du luxe, son pragmatisme politique et ses éloges de la pensée anglaise l'ont rendu suspect. A la différence de Rousseau ou de Diderot, sa place n'est pas établie dans l'histoire de la philosophie. Les Lettres philosophiques, Le Dictionnaire philosophique et bien d'autres textes prennent pourtant position au coeur de la réflexion conceptuelle. Alors pourquoi cette mise au ban? Trop de liberté, trop de rire, trop de joie?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Longtemps Wittgenstein est resté connu pour son Tractatus logico-philosophicus, seul ouvrage publié de son vivant. Cet ingénieur de formation s'était orienté vers la logique et opposait aux profondeurs philosophiques un usage clinique du langage. Il prétendait guérir ainsi la philosophie de son verbiage séculaire sur l'essence des choses. Lu surtout par les anglo-américains, Wittgenstein ne fut découvert que tardivement sur le continent européen lorsque les traductions de ses autres oeuvres ont révélé une pensée plus complexe. La méconnaissance a cédé la place à une fascination pour un homme étonnant, viennois puis britannique d'adoption, architecte, instituteur et musicien. L'inspirateur de ce qu'on appelle la philosophie du langage suscite plus que jamais de nouvelles traductions et diverses interprétations.
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin La notion d'Homme s'inscrit dans une longue histoire philosophique, religieuse et scientifique. Chargée d'un lourd passé, elle doit, au XXIe siècle, assumer le moment théorique qui l'a contestée, déconstruite, depuis la Seconde Guerre mondiale. Même les sciences ont renoncé aux grands récits généalogiques retraçant l'évolution linéaire de l'Homo sapiens. L'humain n'est plus une donnée universelle (essence, nature ou substance). Et il n'est plus un horizon régulateur, depuis que les totalitarismes du XXe siècle ont poussé le projet d'un Homme nouveau à ses limites mortifères. Maintenant que ni l'origine ni la finalité ne le fondent plus, peut-on et doit-on encore définir un "propre" de l'Homme? Sur quelles représentations, scientifiques ou imaginaires, penser l'unité de l'humanité? Entre la réduction de l'homme à la nature et le volontarisme moral de l'humanisme, n'y a-t-il pas d'autres ressources pour repenser une cohérence dans le feuilleté des constructions, dans les interactions humaines et non humaines?
Par François Noudelmann Réalisation: Clotilde Pivin Tout ce qui existe a un début et une fin. Cette évidence vacille lorsqu'on s'interroge sur le commencement absolu, le départ de l'univers, de la vie ou de l'humanité. Les vieilles questions métaphysiques n'ont pas cessé de nous hanter : qu'y avait-il avant le big bang, la matière a-t-elle été créée à partir de rien, comment ce qui n'est jamais né peut-il engendrer ce qui naît? Mais il n'est pas besoin d'être métaphysicien pour réfléchir au commencement. Les récits de genèse prolifèrent pour raconter le surgissement des peuples, la naissance de l'amour ou l'avènement de la raison. Ces récits construisent des petites mythologies rétrospectives. Comment y échapper? Si l'on veut penser le devenir peut-on se passer de l'idée de commencement?
Je l'entends comme je l'aime, 2010/2011
The show features personalities whose musical practice is the back room of their lives. Writers, philosophers, filmmakers, actresses, scientists… deal with ideas, words, or numbers, but also live and think in another mode: musical activity. Nietzsche affirmed that all intellectual construction is a matter of tuning forks and timbres: we think with our ears. In this show, guests talk, play, and meet musicians with whom they compose during a discussion on the sounds of their existence. Some episodes are devoted to philosophers of the past. Pianist Agnès Ollier performs and comments on the selected pieces. Directed by Marie-Christine Clauzet.Le journal de la philosophie
A daily program on philosophical current affairs in which a guest discusses their book. 328 episodes, from Jean-Luc Marion to Paul B. Preciado, from Françoise Héritier to Jacques Rancière, from Martha Nussbaum to Ruwen Ogien...Invité.e : François Poirié
Par François Noudelmann
Invité.e : Gilles Moutot
Par François Noudelmann
Invité.e : Jacques Rancière
Invité.e : Jacques Rancière
Invité.e : Jacques Rancière
Invité.e : Jacques Rancière
Invité.e : Pierre-Henri Castel
Invité.e : Christophe Fourel
Par François Noudelmann
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Invité.e : Annie Le Brun
Invité.e : Antonia Soulez
Invité.e : Jean-Claude Monod
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Invité.e : Alain Laurent
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Invité.e : Claude Coste
Invité.e : Marie-Clarté Lagrée
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Invité.e : Nicole Lapierre
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Invité.e : Vincent Delecroix
Invité.e : Eric Fourneret
Invité.e : François Jullien
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Invité.e : Pierre-Emmanuel Dauzat
Invité.e : Etienne Balibar
Invité.e : Stéphanie Roza
Invité.e : Denis Bertrand
Invité.e : Olivier Morin
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Invité.e : Laurent de Sutter
Invité.e : Arnaud Tomès
Invité.e : Jean-Louis Comolli
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Invité.e : Emmanuel Fournier
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Invité.e : Thierry Hoquet
Invité.e : Jean-Luc Nancy
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Invité.e : Daniel Sibony
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Invité.e : Janine Altounian
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Invité.e : Irène Fenoglio
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Invité.e : Thibaut Gress
Invité.e : Hervé Pasqua
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Invité.e : Richard Goulet
Invité.e : Béatrice Didier
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Invité.e : Camille de Vulpillières
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Invité.e : Pierre Guenancia
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Invité.e : David Le Breton
Invité.e : Jean-François Braunstein
Invité.e : Marc Crépon
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Invité.e : Carlo Ossola
Invité.e : Pierre Péju
Invité.e : Pierre Péju
Invité.e : Jean-Clet Martin
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Invité.e : Sylviane Agacinski
Invité.e : Hélène Cixous
Invité.e : Nicolas Waquet
Invité.e : Pascal Engel
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Invité.e : Jean Allouch
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Invité.e : Miguel Abensour
Invité.e : Frédéric Cousinié
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Invité.e : Richard Conte
Invité.e : Bernard Pautrat
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Invité.e : Joëlle Zask
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Invité.e : Bernadette Bensaude-Vincent
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Invité.e : Houria Abdelouahed
Invité.e : Anne Herschberg-Pierrot
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Invité.e : Marc Cerisuelo
Invité.e : Marlène Bélilos
Invité.e : Guillaume Pigeard de Gurbert
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Invité.e : Ronan de Calan
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Invité.e : Marie Depussé
Invité.e : Jean-Claude Pinson
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Invité.e : Bernard Bourgeois
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Invité.e : Gérard Dessons
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Invité.e : Monique Atlan
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Invité.e : Mathias Roux
Invité.e : Mathias Roux
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Invité.e : Jean-Luc Porquet
Invité.e : Corinne Enaudeau
Invité.e : Jean Goldzink
Invité.e : Aliocha Wald Lasowski
Invité.e : Aliocha Wald Lasowski
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Invité.e : Pierre Osmo
Invité.e : Marc-Alain Ouaknin
Invité.e : Jean-Richard Freymann
Invité.e : Etienne Bimbenet
Par François Noudelmann
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Invité.e : Christian Ruby
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Invité.e : David Banon
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Invité.e : Patrick Boucheron
Invité.e : Mary-Anne Zagdoun
Par François Noudelmann
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Invité.e : Isabelle Garo
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Invité.e : Ruwen Ogien
Invité.e : Aurélien Blanchard
Invité.e : Anne Dufourmantelle
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Invité.e : Belinda Cannone
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Invité.e : Daryush Shayegan
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Invité.e : Maurizio Lazzarato
Invité.e : Claude Gautier
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Invité.e : Michel Collot
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Invité.e : Pierre Pachet
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Invité.e : Barbara Cassin
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Invité.e : Eric Rommeluère
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Invité.e : Jean-Claude Monod
Invité.e : Christian Belin
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Invité.e : Jean-Yves Tadié
Invité.e : Isabelle Delpla
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Invité.e : Hubert Damisch
Invité.e : Emmanuel de Saint-Aubert
Invité.e : Bérénice Levet
Invité.e : Roger Pol-Droit
Invité.e : Eric Baratay
Invité.e : Maurizio Bettini
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Invité.e : Olivia Bianchi
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Invité.e : Pierre Pellegrin
Invité.e : Françoise Héritier
Invité.e : André Comte-Sponville
Invité.e : Agnès Minazzoli
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Invité.e : Paul Audi
Invité.e : Paolo D'Iorio
Invité.e : Alice Schwarzer
Invité.e : Sandra Laugier
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Invité.e : Laura Bossi
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Invité.e : Elsa Dorlin
Invité.e : Pascal Engel
Invité.e : Guillaume Lecointre et François Pépin
Invité.e : Guillaume Lecointre
Invité.e : Christophe Paradas
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Invité.e : Pascal Payen
Invité.e : Haud Guéguen
Invité.e : Alain Ménil
Invité.e : Marie-Louise Mallet
Invité.e : Pierre-Marie Morel
Invité.e : Rémi Mathieu
Invité.e : Liane Mozère
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Invité.e : Isabelle Mons
Invité.e : Eric Mangin
Invité.e : Ruedi Imbach
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Invité.e : Alain de Benoist
Invité.e : Gloria Origgi
Invité.e : Alexis Legayet
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Invité.e : Catherine Volpilhac-Auger
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Invité.e : Hervé Pasqua
Invité.e : François Rouan
Invité.e : Rémi Mathieu
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Invité.e : Michaël Foessel
Invité.e : Dominique Pradelle
Invité.e : Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
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Invité.e : Jean-Pierre Faye
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Invité.e : Nathalie Barberger
Invité.e : Emmanuel Terray
Invité.e : Mathieu Terence
Invité.e : Alain de Botton
Invité.e : Chris Herzfeld
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Invité.e : Jean Greisch
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Invité.e : Antony McKenna
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Invité.e : Beatriz Preciado
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Invité.e : Jean-Pierre Cavaillé
Invité.e : Corine Pelluchon
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Invité.e : Jean Birnbaum
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Invité.e : Tobie Nathan
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Invité.e : Sylvie Courtine-Denamy
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Invité.e : Jean-François Kervégan
Invité.e : Marie-Hélène Bourcier
Invité.e : Pierre-Henri Tavoillot
Invité.e : Jean-Louis Chrétien
Invité.e : Sylvie Germain
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Invité.e : François Gantheret
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Invité.e : Clotilde Leglil
Invité.e : Ian Birchall
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Invité.e : Giulia Sissa
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Invité.e : Pierre Bras
Invité.e : Daniel Lindenberg
Invité.e : Marc Ballanfat
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Invité.e : Sandra Laugier
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Invité.e : Florence Burgat
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Invité.e : Christian Trottmann
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